Une nouvelle au Monop, une étudiante, “je compte sur toi pour l’aider, mais tu ne nous la traumatises pas celle-là”. Non, j’ai été sage. Le Monop ferme à 21 heures au lieu de 20 heures depuis trois jours, sauf que personne n’a l’air au courant à l’exception des employés. Alors, pendant cette dernière heure, nous avons parlé, sans silence, les phrases qui s’enchaînent et une complicité évidente. J’avais oublié comment c’était, ces amitiés qui commencent. C’est la première de mes collègues à me proposer de se voir en dehors du magasin, avec une autre, j’aurais sans doute refusé d’ailleurs. Je recommence à me réveiller trop tôt (4-5 heures du mat) par pure angoisse, cette peur de ne pas voir la journée passer… Mon corps qui ne supporte plus de rester immobile, et ma raison qui explique que, crevée, je ne serais pas efficace de toute façon. C’est toujours mon corps qui l’emporte dans ce débat. Un bout de verre dans la plante du pied, ça devait arriver, j’ai enfin ramassé et jeté les morceaux restants. J’attendais de me blesser pour agir, toujours la même histoire. Je n’ai pas réussi à l’enlever, alors je commence déjà à m’imaginer amputée d’un membre. La méta-amphétamine m’a laissé des hallucinations, accrochées à mon cerveau – visages tristes à grimaces – je n’aime pas avoir des visions à cause des drogues, ce n’est pas ce que je recherche (merci de ne pas me questionner sur ce que je recherche, alors). La SDF toxico qui m’a prédit ma vie, sans rien demander en échange à part une bise sur la joue, elle avait plein de paillettes noires dans ses yeux marrons. Je n’ai pas vu d’où venait et où partait celui qui m’a dit “vous êtes troublante et triste”, si je n’avais pas été accompagnée, je serais certaine de l’avoir rêvé. Il y a cet homme aussi, je suis sure de l’avoir vu sortir environ 15 fois du Monop en 5 heures, pourtant je ne l’ai jamais vu entrer. Depuis quelques jours, les gens se matérialisent juste devant mes yeux, c’est perturbant. Ma nouvelle amie, la caissière, m’a dit : “j’ai très peur de finir ici. c’est vite arrivé. Tu loupes ton année, tu ne peux pas, ou ne veux pas, compter sur tes parents, et tu te dis qu’ici, au moins, t’as un moyen d’être un peu libre”. Je pense plutôt à cette implacable routine qui s’accroche à toi, parce que tu as l’impression que certaines heures de la journée ne peuvent que se passer là-bas… Quand tu n’as plus la sensation de perdre ton temps, car ces heures appartiennent à cet endroit. C’est un peu ce que je ressens en ce moment, ça m’aide tout en m’angoissant.

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