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Wrap your troubles in dreams Send them all away Put them in a bottle And across the seas they’ll stay

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Je suis brutalement éjectée de mon sommeil, assise d’un bond, les yeux grands ouverts et le cœur battant. Je me souviens vaguement d’avoir couru pour échapper à quelque chose juste avant de m’arrêter devant un précipice, en dessous il y avait une mer de fourrure grise irréaliste qui ondulait et s’épaississait… Les vagues se rapprochaient de plus en plus du sommet de la falaise en m’éclaboussant d’écume rose… Je me rappelle soudain de la souris en peluche que j’avais quand j’étais petite. Elle était grise, au dos et à la queue rose. La même fourrure, le même gris, le même rose. Une mer en forme de gigantesque souris, où mon inconscient va-t-il chercher ces images ? J’ouvre les yeux sur une antenne télévisée, elle danse sur le toit comme si elle avait décidé de se décrocher pour venir fracasser mon velux. Les rafales de vent vibrent jusque sous les tuiles. Quelque chose frappe sur le toit, au fond de la pièce, des coups sourds et irréguliers. Je m’affole en tâtonnant pour allumer la lumière. Voir mon chat bailler violemment et clignoter des yeux me rassure un peu. Mon chat a toujours une tâche blanche sur la tête, un gros ventre, une langue rose et il continue à dormir au pied de mon lit, je suis dans la réalité tout va bien n’oublie pas de respirer. J’ai la gorge desséchée, besoin d’un verre d’eau. J’attrape un gilet avant de m’extirper du lit.
Je sens les courants d’air à travers tous les interstices de la pièce. Je me colle à la fenêtre en plaçant mes mains autour de mon visage afin de ne pas voir mon propre reflet : dehors rien à signaler, seulement du vent et de la nuit. Je n’ai même pas regardé l’heure… Les chiffres verts fluo indiquent 02:45. La sonnerie du téléphone me fait sursauter. Je le regarde suspicieusement quelques secondes avant de décrocher, personne ne peut m’appeler à cette heure-ci… Mon “allo” est interrogatif, faiblard et enroué. Une voix masculine dit quelque chose dans un fond sonore crépitant. Après l’avoir fait répété deux fois, je comprends qu’il croit s’adresser à une certaine Sophie. “C’est un faux numéro.” “Vous êtes sure ?” “Je suis sure que je ne m’appelle pas Sophie, oui.” “Sophie n’est pas avec vous ?” “Je ne connais pas de Sophie.” Il a encore quelques secondes d’hésitation avant de raccrocher. C’est vrai qu’à moi aussi, mon ton de voix me paraît faux, mensonger. Dans un monde où la mer est une fourrure grise et rose, je pourrais m’appeler Sophie…. Quelle idée absurde. En buvant mon verre d’eau j’observe la façon dont la fenêtre vibre, on dirait vraiment qu’elle bouge d’avant en arrière mais c’est sans doute un effet d’optique parce que le rideau s’agite au dessus. Malgré tout je me sens mal à l’aise dans cette pièce trop étroite. Pour une fois, aller sur le toit ne me tente pas, retourner dans mon lit non plus. Je saisis un jean, un gros pull, la paire de chaussure la plus proche de mon bras, mon baladeur, et je vais faire un tour ; j’ai besoin de m’échapper de ces parois trop rapprochées, de cette fenêtre mouvante et de ce toit sifflant. Le chat me regarde sortir avec la même expression d’incompréhension hallucinée qu’au moment où je l’ai aveuglé avec ma lampe de chevet. Mon chat déteste toujours ce qui est inhabituel.
Je fume une cigarette à l’entrée. Dans l’immeuble d’en face, il n’y a qu’une seule fenêtre allumée, je compte les étages… Au 3e étage à gauche, quelqu’un est éveillé. Que peut faire l’insomniaque vivant là-haut ? Je commence à concevoir un scénario hypothétique très improbable : L’habitant va à sa fenêtre et me voit, on discute, je vais dans cet appartement, il est de meublé comme… il dit… je réponds… Je suis perdue dans une histoire très compliquée quand je reçois un tapotement sur l’épaule. Sursaut encore une fois. Un garçon assez jeune, de ma taille, bouge la bouche sans émettre un seul son. Je n’avais pas réalisé que le volume de mon baladeur était aussi élevé, j’enlève les écouteurs : “quoi ?” “T’écoutes quoi ?” J’ai envie de parler le moins possible, et puis souvent les gens ne connaissent pas ce que j’écoute, donc d’un geste, je lui propose mes écouteurs. Il enlève les siens et nous faisons l’échange. J’ignore ce que c’est mais je ne suis pas fan, surtout maintenant, trop de sons criards pour cette nuit. De son côté, il n’a pas l’air convaincu par American Analog Set non plus. Poliment je garde tout de même ces sons dans les oreilles quelques instants, pour ne pas interrompre le transfert la première. Finalement, en les rendant, il me demande : “t’aimes ?” “Mmbof. Et toi ?” “Mmbof.” Sourires entendus. “Bonne nuit !” Il s’éloigne à grandes enjambées et je décide d’en faire autant dans l’autre sens.
Je monte jusqu’à l’esplanade. Je me retrouve toute seule à cet endroit là pour la première fois, dans la journée la terrasse du café est toujours pleine de monde. Le vent est encore plus violent ici, aucun mur ne coupe sa trajectoire. Je m’accroche aux fines barres d’acier pour ne pas m’envoler, tout en observant comme toujours, la ville en dessous. Je ferme à demi les paupières sous les rafales, tout tremble en dessous et autour. Le vent me frappe avec une telle force que j’en ai des difficultés à respirer. Etourdie et chancelante. J’ai l’impression de gonfler comme la mer de mon rêve vers le sommet de la falaise…

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