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Où l’on apprend surtout que la cocaïne existe aussi sous la forme d’une grosse boule enrobée d’écorce et que les chauffeurs de bus aiment se servir de leur engin pour aller se ravitailler dans les centres commerciaux

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* Mon entourage professionnel rivalise d’idées pour soigner ma bronchite asthmatiforme. Ce matin, un Camerounais m’a dit : “j’ai un excellent remède, c’est très amer mais ça fonctionne, je vais te le chercher”. Je m’attendais à ce qu’il revienne avec des cachets, ou un sirop, enfin quelque chose dans ce genre. Il arrive et l’air gêné “tu vas rire en voyant ce que c’est, mais ça marche, tu vas voir”. Stupéfaite, je le vois enlever l’écorce d’un truc qui a l’air d’une arachide croisée avec une noix de cajou. Il en sort une sorte de grosse noisette blanche. “C’est très amer” reprécise-t-il encore. Naïvement, je mets l’intégralité de la chose dans ma bouche. Qu’est-ce que c’est amer ! C’est au-delà de tout ce que j’ai connu en matière d’amertume, et puis ça fait saliver, bref, ce truc est abominable dans ma bouche, je l’avale difficilement pendant qu’il m’observe en rigolant. S’il ne me fixait pas pendant cette épreuve, j’irais cracher cette chose infecte immédiatement. Après avoir enfin réussi à engloutir le tout, j’annonce : “je vais boire de l’eau pour essayer de faire passer le goût”. “Surtout pas, faut le laisser agir un peu avant” Ouais enfin ça va là, il est en route vers mon estomac de toute façon. “C’est important de garder le goût”. Ensuite seulement, craignant soudain d’avoir été empoisonnée, je demande ce que c’est, question que toute personne normalement constituée aurait sans doute posé d’abord. “Bitacola” “Bitacola ?” “Bitacola, au Cameroun on en a toujours. C’est un remède pur, il vaut mieux manger la plante pure plutôt que les médicaments qui sont retravaillés chimiquement. Et puis avec ça, tu peux travailler même quand tu es fatiguée, c’est bon pour tout. Mais tu ne dois pas en prendre plus d’un par jour, je t’en donne un pour demain et un pour dimanche. Tu arrêtes ça (jetant un coup d’oeil dédaigneux vers mon sirop pour la toux) et tu prends rien d’autre, comme ça tu sauras que tu es guérie grâce à ça.”
Je n’ai pas vraiment constaté d’amélioration de ma bronchite suite à ce “remède” (sur le moment, j’ai pensé qu’il fallait sans doute y croire pour que ça marche, mais je n’ai pas réussi à m’auto-persuader), en revanche j’ai détecté un très fort effet excitant. Tout le reste de la journée, j’ai eu l’impression d’être sous coke en travaillant. De retour chez moi, je cherche des informations sur Google mais je ne trouve rien (ou plutôt j’arrive sur des forums camerounais, sénégalais, ou espagnols qui ne me donnent aucune information compréhensible). J’imagine donc qu’il y a un terme scientifique pour cette drogue, ou alors mon orthographe est incorrecte. En tout cas, je serais très reconnaissante à quiconque pouvant m’apporter plus de renseignements la-dessus. Je ne sais pas encore si je prendrais les suivants ou non, car j’ai tout de même une vague inquiétude à l’idée d’avaler quelque chose dont je ne sais rien, même si le Camerounais semble en faire une consommation importante. Cependant, mon sirop au délicieux goût caramélisé m’endort, tandis que ce truc amer me réveille, détail qui peut justifier une autre prise. Mais bon, ce goût immonde m’est resté dans la bouche pendant des heures, y compris après avoir avalé de multiples bonbons à la menthe.
“Mon petit vieux préféré”, lui, m’abreuve de pastilles pour la gorge. Je lui ai expliqué que je n’avais absolument pas mal à la gorge et que seules mes bronches étaient souffrantes, mais il n’a pas l’air convaincu. J’ai toujours aimé le goût chimique de la Lysopaïne cela dit. De temps en temps aussi, il mets une pièce dans mes mains en murmurant de sa voix douce légèrement chevrotante : “allez vous servir une boisson chaude”. Et ce geste là, je l’apprécie réellement – et hop, une occasion de perdre un peu de temps en bavardant devant la machine à café.
Le Russe m’a conseillé un mélange à base de vodka qui peut constituer une intéressante alternative à la vodka-caramel. Il y a aussi ceux qui s’écrient “la pauvre !” dés qu’il entendent le bruit de crécelle s’échappant de mes poumons à chaque inspiration. Généralement ils accompagnent cette exclamation d’un geste affectueux. D’une certaine manière, ce n’est pas trop désagréable d’être malade dans ces conditions.

* J’attends le bus en compagnie d’une vieille dame aux cheveux jaunes-orangés desséchés et au visage monstrueusement lifté. Dés que je la vois arriver, je me dis : “celle-là, elle va se plaindre”. J’augmente le volume du baladeur tout en fixant la route d’un air concentré mais je n’y échappe pas. “La France est un désastre”. Ah. C’est une thèse qui peut sans doute se défendre, ma foi, même s’il y a bien pire que la France à mon humble avis. Et puis “désastre”, c’est un mot un peu vague tout de même. “Les français sont d’une stupidité…”. Certes, je me demande si je ne tiens pas un bel exemple juste sous mes yeux d’ailleurs. “Les bus ne passent pas toujours devant cet arrêt.” Ah bon ? Depuis un an en tout cas, ils sont toujours passés à l’heure où j’y étais. “Parce que souvent ils préfèrent faire leurs courses” Etonnée, je réagis à voix haute cette fois-ci : “faire leurs courses ?” “Oui, ils se servent de leur bus pour aller au supermarché au lieu de travailler ! C’est plus pratique pour eux, ils ont la place au moins.” Suis-je entrée dans une autre dimension là… Bêtement polie, je réponds sur le même ton “ah bin on aura tout vu !” “Vous vous rendez compte !” s’exclame-t-elle, ravie d’avoir eu autant de répondant. Tout en me plaignant avec elles de choses qui m’indiffèrent totalement pour le plaisir de me moquer d’elle sans qu’elle s’en aperçoive, j’imagine mon gros bus s’en allant se garer (sans doute difficilement d’ailleurs) au Supermarché pour pouvoir remplir les sièges de courses à l’instant même où des gens l’attendent, et je dois dire que ça dépasse un peu mon entendement.
Elle a choisi de s’assoir en face de moi dans le bus, mais heureusement elle a cessé de parler. J’observe son rictus révélateur, sans doute un toc : les commissures de ses lèvres qui se crispent en une moue dédaigneuse. Son lifting n’en est que plus effrayant. J’ai fermé les yeux pour ne plus la voir. Sous mes paupières, il y avait des tâches roses en forme d’étoile, c’était beaucoup plus joli à contempler ; dans mes oreilles il y avait Pony up !, c’était beaucoup plus agréable à entendre.

* Ce matin, j’étais encore endormie quand mes yeux se sont posés sur cette photo prise en Irlande :

Alors j’ai pensé : en fait il n’y a que le début qui semble impraticable… Si je réussis à passer cette étape, le reste du pont ne doit pas poser trop de problème.

(Bande-son : God is an astronaut. Je trouve cette musique divinement apaisante.)

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