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every sad story has a funny side

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[Je ne cesse d’écrire des notes destinées à disparaître… Ironiquement, je passe beaucoup de temps à rédiger ces futurs déchets, car chaque mot est laborieux en ce moment. Dans la rue, le bus, mon bain, ma tête se remplit de textes potentiels que je voudrais pouvoir écrire immédiatement… Plus tard, devant mon clavier, il n’y a plus que du vide, du creux, et de la platitude. C’est comme si j’ouvrais un énorme dictionnaire qui ne contiendrait que des feuilles blanches, avec quelques signes incompréhensibles par endroit. La surface est prometteuse, effervescente, alors qu’à l’intérieur mes pensées stagnent. J’insiste, je creuse, à la recherche du déclic ou, simplement, du plaisir d’écrire… Parfois, j’ai l’impression d’essayer de retrouver des fêlures, des zones nauséabondes de ma mémoire… Et puis je lâche le fil en cours de route…. A quoi bon raconter une vieille dispute amoureuse alors que l’Amant me rend globalement très heureuse ? Autant s’attacher à critiquer le cadre d’un tableau sans regarder ce qu’il représente… C’est aussi inutile qu’absurde. Peut-être est-ce un problème d’attache, de liens entre les événements… Je passe subitement d’une situation à une autre, et les visages se substituent sans le moindre sens apparent… En fait j’ai l’impression de décrire mes journées comme j’essaie de compléter et d’interpréter des fragments de rêves…]

Encore dans les brumes d’un sommeil profond, je me recroquevillais en pensant : “je dois me placer tout au centre”. La dernière image derrière mes paupières closes m’a accompagnée longtemps après mon réveil. Il s’agissait d’un dessin fait de cercles, du plus grand au plus petit. Il y avait aussi des pointillés et une légende. A l’intérieur, un être humain en position foetale était grossièrement représenté, celui que je tentais apparemment d’imiter. J’ai essayé de retrouver les détails du schéma, mais l’ensemble restait flou… J’étais étonnée d’avoir fait un tel rêve, dans le sens où je suis généralement incapable de comprendre un schéma. Je préfère un mode d’emploi de 200 pages en petits caractères, plutôt que 20 pages faites de figures, de flèches et de numéros… Enfin ce n’est pas comme si, en temps normal, je comprenais le langage de mon inconscient de toute façon…
Hier le ciel était indécis : orages nocturnes, averses serrées qui hachurent le paysages de diagonales, bruine imperceptible au soleil… Cette inconstance m’arrangeait car j’aime bien rendre mon environnement responsable de mes variations d’humeur, sans y croire. Aujourd’hui je n’aurais pas cette excuse, une journée froidement ensoleillée s’annonce. Le métro, ces temps-ci, surchauffé et humide, ressemble à un bain de vapeur. J’en ai tellement marre de macérer dans les odeurs corporelles de mon voisin que je descends involontairement à l’arrêt précédent, et me sens bien bête en restant sur le quai pour attendre le métro suivant. J’aurais presque envie de faire semblant de sortir pour revenir par l’autre entrée, à cause du regard gentiment moqueur des gens.

Mon Ptit Vieux Préféré claudique péniblement avec ses béquilles… Lundi, il trottinait comme à son habitude, du bureau aux étagères… Mardi, son pied gauche était devenu inutile. Aujourd’hui, son état semble s’être aggravé. “Bah… Je vais moins bien qu’hier et mieux que demain… Je crois que c’est un problème de circulation sanguine, faut que je me force à remuer la patte”, dit-il, boitillant et grimaçant. Je l’accompagne à l’extérieur. Histoire de dire quelque chose, je remarque “vous devez connaître ce parc par coeur…” “Ah ça oui, depuis le temps… Avant on peut dire que c’était le mien : je m’en occupais, je coupais les lianes, le bois, je jardinais… Je l’ai abandonné il y a trois ans…” Je complète sa phrase “et personne ne vous a remplacé”. “Non… Les arbres sont malades, les mauvaises herbes sont en train d’engloutir nos rosiers, ça dépérit…” Pourtant, je le trouve encore joli et agréable… “Il fait frais, j’ai peur de m’enrhumer. Je vous rejoins tout à l’heure”. Il s’éloigne, frêle, les bras serrés autour de sa poitrine. C’est pénible à voir… De même que les fous ont des accès de lucidité par instant, les vieux ont des moments où ils semblent rajeunir…Ce phénomène rend leurs rechutes encore plus poignantes.
Quelqu’un a placé une chaise au milieu du bois, un peu de guinguois, je m’y assois sans réfléchir avant de réaliser que je préfère marcher. Finalement j’y reste quelques minutes, elle est placée à un endroit tellement saugrenu qu’elle en devient attirante. Je m’attends à entendre “coupez !” ou à voir se refermer un rideau tant cette situation ressemble à une mise en scène…
Ensuite, “mon directeur” m’a posé cette question stressante “après son départ vous serez toute seule pour gérer plus de 80 000 livres et des milliers de revue… Est-ce que vous en êtes capable ? Vous aurez d’énormes responsabilités… Vous vous sentez les épaules pour les assumer ?” Evidemment je veux dire “oui” d’un ton assuré qui inspire une confiance absolue, mais c’est un son hésitant, pitoyablement tremblotant, qui sort de ma gorge. Je n’avais pas peur tant que personne ne doutait de mes compétences, pourtant. Plus tard, un visiteur émerveillé s’est exclamé avec lyrisme : “vous rendez-vous compte, Mademoiselle, que vous êtes la gardienne d’une infime mais non négligeable portion du patrimoine de l’humanité ?” Dîtes-donc, je me sens presque importante Monsieur ! Mais pour tout vous dire, personne ne s’intéresse à ce patrimoine… De toute façon, je garde un lieu dont tout le monde a la clé, et dans lequel chacun entre et sort aussi facilement que dans un endroit désaffecté. Ce dernier point n’est pas très grave ceci dit, puisque je passe souvent des journées entières sans voir le moindre être humain dans ce trou. Ici, il y a surtout des cartons, des rats, des araignés, et accessoirement des livres…

En fin d’après-midi, j’ai inventé un conte pour une petite fille… Il commençait par “il était une fois” car je ne suis pas originale, et puis la gamine aime cette introduction. Si je l’oublie, elle la réclame. Cette forme d’attente m’évoque les génériques de séries ou d’animés… Je me précipitais devant l’écran en les entendant. Comme l’odeur du chocolat chaud et des tartines grillées quand j’étais petite, celle des mangues mures dans le jardin africain, le bruit des pas de l’Amant dans le couloir… Ces quelques mots doivent annoncer, pour elle, un moment de plaisir. Il était une fois un prince, à sa naissance des fées lui avaient jeté un sort (pour des raisons que je vous épargnerais, abrégeons)… Ma jeune auditrice, attentive, a objecté “les princes aussi, on peut leur jeter un sort ? Je croyais que ça arrivait qu’aux princesses”. “Oui les princes aussi, et même que des fois ce sont les princesses qui doivent délivrer les princes” “Oooh !” (Aucune association de princes mécontents ne portera plainte contre moi, je suppose). […] Bref, je ne vais pas tout raconter ici, ce n’est pas comme si c’était intéressant. Quelque part dans mon histoire, il y avait un artisan auteur d’une oeuvre très étrange qui se transformait jour après jour. Selon les angles, elle était belle et suscitait l’admiration ; ou vilaine à en avoir honte […] La petite a adoré… Je suis sure qu’elle n’a rien compris. Moi non plus. Elle vient rarement donc je ne peux prévoir ses visites. A chaque fois que je la vois arriver, j’ai une bouffée d’angoisse : comment vais-je faire pour inventer quelque chose ? J’improvise, en découvrant mes propres phrases à l’instant où elles sont prononcées, et pourtant j’ai toujours droit au même regard passionné, malgré les incohérences de mes pseudo-contes… Parfois je me demande si ces récits improvisés révèlent quelque chose de mon état d’esprit… Mais je n’y réfléchis pas réellement, à ça comme au reste, en ce moment surtout. Je catalogue les histoires, les événements, les journées… Un jour, peut-être, je les comprendrais un peu plus que pas du tout…

[Vous l’avez ou non remarqué : mes archives s’agrandissent. Suite à la fermeture d’ublog, j’ai décidé de sauvegarder mes notes d’autrefois. Je les publie ici car c’est la démarche la plus logique… Cette ancienne Junko est lointaine, mais elle fait partie de la famille, je reconnais certains de ses traits. L’Amant s’en est chargé parce qu’il possédait l’outil adéquat, puis il a appelé le fichier “Little ugly beauty”. L’expression m’a, à la fois, agacée, attendrie, et amusée. Finalement j’en ai fait la catégorie de ces archives. J’aurais pu les ranger dans un tiroir “Monoprix drogues et concours”, ou “Chroniques d’une paumée”, mais “Little ugly beauty” sonne mieux. Je vais les rapatrier lentement, petit à petit, et puis celles d’Indécise suivront, voire celles d’ailleurs si j’ai le courage de m’en occuper… Ce sera aussi un bon prétexte pour faire une pause (au lieu d’innonder ce blog de textes qui me font honte juste après leur publication), il y aura déjà tant de mots ici…]

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