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La fin et le début de l’année

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J’ai fini l’année en courant sur l’herbe les sentiers et les feuilles mortes, blanchis par un givre crissant, dans une toute petite ville alsacienne, un bourg plutôt qu’un village. Le ciel naissait et on savait déjà qu’il allait être d’un bleu intégral. C’était la première fois que je courais depuis environ un mois. Disparaissait le souffle brumeux que j’expirais.

J’ai fini l’année débordée, enfermée dans la chambre d’enfant de mon amoureux, mon ordinateur posé sur un bureau qui n’était pas le mien. Sans regrets, car en bas, ils étaient tous avachis sur un canapé devant des bêtisiers déjà vus au moins 50 fois.

Le dernier jour de l’année ressemblait à un samedi soir ordinaire chez nous à Sainté. Bon repas, bonne bouffe et vin qui tâche les lèvres, en tête à tête, c’est notre fin de semaine habituelle, et peut-être n’était-ce pas plus mal au fond. C’est-à-dire que je ne savais plus trop ce que j’étais censée fêter de plus que nous deux, nous trois, notre propre famille, quoi.

Le lendemain, je me suis accordée 3 jours de repos, contrairement aux 358 jours précédents. J’ai profité de ce temps là pour rester au fond de mon lit plus longtemps, lire beaucoup, écouter de la musique mais pas assez. Autrefois, il me semblait que la littérature était aussi importante que la musique pour moi. Mais apparemment, quand je manque de temps, la première l’emporte sur la seconde.

Ou peut-être est-ce simplement plus facile, maintenant, de s’extraire de soi avec les mots imprévisibles des personnages, au moins un petit peu faits d’encre, qu’avec des morceaux qui me ramènent à mon ego. C’est que j’ai passé l’âge de magnifier la déprime, je déploie plutôt mon énergie à l’étouffer avant qu’elle naisse.

Le 3 janvier, nous avions un rendez-vous avec la Protection maternelle et infantile (PMI)*, la visite de routine taille/poids, ça faisait bien un an depuis la dernière fois alors je voulais aussi vérifier s’il n’y avait pas de rappel de vaccin à faire. Pour les inexpérimentés, une consultation à la PMI, en tout cas ici, c’est en fait deux consultations dans des bureaux côte à côte.

 D’abord l’infirmière puéricultrice mesure l’enfant et le pèse, puis pose des questions du genre : quels sont ses repas, à quelle heure il est couché, à quelle heure il se réveille ? Elle prend des notes. Ensuite on passe dans le bureau de la pédiatre.

Cette dernière vérifie le souffle, la bouche, les dents, les oreilles, fait les vaccins si nécessaire et, éventuellement réagit à ce que l’infirmière a écrit quant au quotidien du gosse. (Par exemple, pour citer un épisode qui a deux ans : « pour le chocolat chaud, c’est du lait entier qu’il faut utiliser, pas du lait écrémé : votre enfant n’est pas au régime ! »)

Ensuite, si un rendez-vous est pris (vaccin à faire prochainement notamment), on rejoint la puéricultrice infirmière qui notera la date de notre retour. Éventuellement, elle peut faire des remarques sur ce qu’a écrit la médecin, ai-je constaté comme je l’expliquerai plus loin. Les deux portes sont toujours fermées au cours de l’entretien, enfin pour ce que j’en savais.

Avant tout ça, on est dans une salle d’attente, super brièvement. En fait, en 5 ans et quelques, je n’ai jamais attendu avant ce 3 janvier, où nous étions très en avance (le rendez-vous étant à 11h40, on y est allés directement à la sortie de l’école à 11h20, trop tôt pour s’y rendre mais trop tard pour repasser par notre appartement).

Dans la salle d’attente, une puéricultrice a pour unique boulot d’être là pour accueillir les enfants, leur proposer des jouets et y jouer avec eux (il y a toujours énormément de joujoux). Je plains cette dame d’ailleurs, la plupart du temps il n’y a personne donc elle ne fout rien. Et quand elle est face à un bébé accompagné de ses parents, l’interaction est limitée. Elle doit beaucoup s’emmerder dans la journée mais pardon, ce n’est vraiment pas le sujet. (Même si je ne sais pas précisément ce dont je veux parler).

Bref, nous étions en avance dans la salle d’attente salle de jeux. L’enfant avait décidé de jouer à envoyer/renvoyer un ballon avec son père. La puéricultrice parlait gentiment à mon fils (« comme tu lances bien le ballon ! ») il s’en foutait. La maman précédente est sortie de la salle de la pédiatre pour rejoindre celle de l’infirmière puéricultrice, sans fermer la porte.

Là, j’ai entendu l’infirmière lui dire : « alors voilà, je vous donne quelques documents. Là, c’est « à pas cher », c’est une association qui vend des jouets à très bas prix pour les enfants, vous pourrez en trouver à 50 centimes. Là, c’est une médiathèque, vous n’avez pas besoin de prendre un abonnement, vous pouvez y amener votre enfant pour qu’il regarde des livres, participe à des ateliers… Je vous ai mis le programme. Comme ça, vous pourrez occuper votre petite autrement qu’en la laissant jour et nuit toute seule devant la télé. Ce serait encore mieux si vous pouviez jouer avec elle mais au minimum, vous pourrez lui donner des jouets. »

Malaise. Même si je parlais à ce moment là, y compris si je ne voulais pas écouter, j’avais honte pour cette maman. Je n’aurais pas aimé être à sa place. Pourtant, je n’aurais pas pu l’être. Et je sais que la PMI faisait son job et même, le faisait bien… Mis à part que la porte n’aurait pas dû rester ouverte.

La mère est ressortie avec sa fille sans que je les regarde. Les PMI s’installent par quartier alors si ça se trouve c’est ma voisine, sa fille est sans doute dans l’école de mon fils, mais je ne veux pas en être informée. Pas la croiser en me disant que c’est la nana qui laisse sa gamine devant la télé toute la journée.

Ensuite, c’était à nous. Et au fur et à mesure, l’infirmière avait des yeux qui pétillaient de plus en plus. « Ah ça fait plaisir de voir un enfant heureux et épanoui, surtout depuis qu’on l’a suivi depuis tout petit car ce n’est pas toujours comme ça vous savez. Qu’est-ce qu’il a bien grandi, et grossi juste comme il faut ! Il a l’air tellement heureux, ça fait si plaisir ! »

Dans le cabinet de la pédiatre, j’ai eu un moment d’angoisse. Je veux dire que d’habitude elle nous posait des questions, à nous parents, pour qu’on raconte ce que faisait notre gosse. Là, elle s’est adressée à notre fils directement : « qu’est-ce que tu manges le matin ? Est-ce que tes parents sont parfois méchants avec toi ? Est-ce que tu fais des cauchemars dans lesquels il y a ton papa ou ta maman ? » etc.

Je m’attendais à entendre le gamin me dénoncer, dire qu’un jour il avait eu un biscuit industriel à la place de tartines, qu’une fois on l’avait envoyé à l’école sans trouver ses gants alors qu’il faisait -10 degrés, qu’on lui avait crié dessus quand il nous avait jeté des morceaux de gratin de blettes à la figure, etc.

Non, il a dit très exactement, parfaitement, ce que la pédiatre attendait, et je voyais le visage de la dame s’illuminer de plaisir au fur et à mesure que nous passions pour des parents exemplaires. « Non mais ça fait tellement plaisir de voir un enfant heureux qu’on respecte et c’est malheureusement si rare, bravo à vous », nous a-t-elle dit.

A la sortie, nous marchions sur les pavés gelés, un petit peu abasourdis. Et puis mon amoureux m’a dit : « si ça se trouve, il fait semblant d’être bizarre juste pour nous ».

J’ai pensé au week-end précédent, quand il m’avait demandé : « est-ce qu’on lui fait un petit frère ou une petite sœur finalement ? » J’hésite, répondais-je.

D’un côté, j’aimerais faire mieux, réessayer, améliorer.*** J’ai toujours eu envie d’avoir une petite fille aussi, en plus. Et ce serait chouette, peut-être, d’avoir un gosse plus « normal », je veux dire qui sait prononcer un mot intelligible avant 3 ans et qui ne pose pas des questions incompréhensibles comme « peux-tu m’aider à avoir des yeux à l’envers ? ».

Je l’aime et il va de soi qu’il me suffirait. Je ne suis même pas sure de pouvoir en aimer un autre autant que lui, MAIS. Nous on sait qu’il n’est pas banal, qu’un autre enfant serait différent de lui.

Le 1 janvier, j’ai dit : allez oui on essaie de le fabriquer ! (L’ALCOOL ET LA NOUVELLE ANNÉE !) Le lendemain, j’ai pensé à l’abstinence boissons alcoolisées/cigarette/bonne charcuterie/fromage au lait cru et, surtout hein, à ma capacité à bosser tout en maternant et donc, j’ai hésité.

Faire une fois l’amour sans contraception, le risque est faible, mais ça a suffit précédemment. Alors on verra bien si l’enfant suivant est en route ou non. Si oui, je sais que j’y arriverai, que je m’y ferai, sans doute encore mieux que la première fois. Si non, je ne sais même pas si je serais soulagée ou déçue. Mais de toute façon, je continuerai à aimer notre vie à nous trois et c’est l’essentiel, en attendant… D’être quatre.

* Je ne comprendrai jamais pourquoi, vous autres, vous choisissez d’avoir un pédiatre dans un cabinet individuel qui vous prend du fric, alors que vous pouvez consulter une PMI où c’est gratuit, où il n’y a pas d’attente et où tout le monde est à l’écoute.

** Et sinon, je voulais mettre Le Boutchou, mais trouver une photo de mon gamin où on ne l’aperçoit pas, ce n’est pas évident. Là, pour la première fois, il maniait un cerf-volant et je crois qu’il s’en sortait assez bien. Je veux dire que ça volait si haut et que c’était tellement immense par rapport à lui…

*** Lorsque j’avais partiellement écrit cet article dans ma tête, j’avais prévu d’ajouter autre chose. Mais cette nuit vers la fin du texte, j’avais hâte de finir et j’ai oublié (non je ne travaille plus mes textes, je travaille assez mes rédactions web et je corrige tant d’écrits que je m’autorise cette liberté ici). Bref. Il y avait aussi l’idée d’essayer dans d’autres circonstances qu’un licenciement/déménagement très dur à vivre. (Parce que la seule chose qui m’a empêché de retrouver ma « jumelle » morte en 2001, ou presque, c’était la présence de mon bébé).

17 commentaires sur “La fin et le début de l’année

  1. Notre PMI est loin d’être comme la tienne. Enfin le protocole oui, l’écoute, la bienveillance, non.

    Mais c’est PMI pour le suivi taille poids vaccins et généraliste au tiers payant pour le reste, on ne va pas chez le pédiatre sauf besoin très spécifique.

    1. En fait, j’ai découvert la PMI lorsque j’étais enceinte, encore à Lyon. J’y ai fait mes cours de naissance, simplement parce qu’elle était à exactement 12 pas de chez moi (c’était ma période où je comptais mes pas pour aller d’un endroit à un autre). Et j’y étais très bien, je m’y suis même fait des copines. Lorsque mon fils est né, j’y suis aussi allée pour le suivi taille/poids. Je ne savais pas du tout qu’il y avait un suivi pédiatrique.

      L’enfant avait 1 mois quand je suis arrivée à Sainté. J’ai appelé la PMI et la puéricultrice est venue à domicile. Au passage, je lui ai demandé si elle avait des recommandations en matière de pédiatre. Elle ne m’a pas dit qu’il y en avait une sur place. Elle m’a simplement expliqué qu’elle n’avait pas le droit de m’en recommander un, puis elle m’a donné une liste de pédiatres et de généralistes proches de chez moi (j’étais apte à regarder dans les pages jaunes). J’en ai vu 2 un peu au hasard et ça s’est assez mal passé. Je n’aimais pas leur façon de se comporter avec mon fils. En plus, à deux reprises, j’ai eu droit à une erreur de diagnostic.

      C’est par hasard que j’ai vu qu’il y avait aussi des consultations pédiatriques à la PMI et que j’y suis allée. Mon compagnon et moi, nous avons tout de suite aimé la pédiatre, mon fils aussi visiblement, alors j’y suis restée. Mais pour les consultations PMI, il faut prendre rendez-vous un mois avant. Alors oui, si l’enfant est malade, sachant qu’en général ça arrive brutalement, il faut bien voir soit un pédiatre, soit un généraliste. Ce n’est arrivé qu’une seule fois depuis le suivi PMI. J’avais déjà déménagé en devenant propriétaire et j’ai choisi le généraliste le plus proche. Aucun problème.

      L’essentiel du temps, l’enfant n’a que des rhumes. Et si jamais il doit tomber malade, ça se produit un dimanche donc c’est SOS Médecins ou les urgences. Mais bon, je sais qu’il faut avoir un généraliste ou un pédiatre en plus, de toute façon.

      Je me doute que ce n’est pas forcément pareil dans toutes les PMI. Mais si j’en parlais, c’est aussi parce que j’ai l’impression qu’un certain nombre de personnes ne savent pas que c’est possible, ou s’imaginent que la PMI n’est là que pour les mamans désespérées qui ne s’en sortent pas avec leur gamin ou qui manquent de moyens financiers.

  2. peux-tu m’aider à avoir des yeux à l’envers ? j’aime cette demande et la trouve plutôt extraordinaire… Mes premiers souvenirs : savoir pourquoi quand on ferme les yeux on voit plein de points lumineux, ça m’a intriguée longtemps et maintenant je n’ai toujours pas la réponse, mais n’ose poser la question…
    Une belle année à vous trois et pourquoi pas 4 à la maison ????

    1. C’est un exemple typique des questions qu’il pose et que je trouve également extraordinaires. Je crois que cet enfant a un don pour le surréalisme car j’imagine bien cette phrase dans un cadavre exquis. Le seul problème, c’est que c’est parfois difficile de savoir ce qu’il demande exactement et donc de lui répondre (même lorsque je devine l’idée).

      C’était aussi quelque chose qui me fascinait et j’adorais appuyer sur mes paupières fermées pour voir plus de couleurs. Je ne sais plus si je me suis un jour demandé pourquoi.

      Pourquoi pas… Hier soir, je lisais cette BD C’était vraiment exactement ça mis à part la reprise du boulot. Revivre cette étape peut faire hésiter ! :p

      Belle année à toi et à ceux auxquels tu tiens.

  3. J’aurais préféré être découverte avec un autre texte (ce n’est vraiment pas celui dont je suis le plus fière) mais ça me fait néanmoins plaisir. Bienvenue !

    Je pense que tu es arrivée ici à peu près au moment où, par curiosité, je cliquais sur l’url associée à ton commentaire chez Dame Ambre. 🙂 Je n’ai pas encore eu le temps d’explorer tes textes et tes photos, mais j’avais laissé l’onglet ouvert afin d’y retourner.

  4. *sourires*
    Le portrait qui s’esquisse de ton fils au fil de tes textes ici est magnifique.
    Je te (vous) souhaite une belle année 2017, une année d’éclosion 🙂

    (je suis silencieuse, mais je te lis toujours avec plaisir)

    1. Lorsque mon fils est né, j’avais peur de ne parler que de lui et de transformer cet endroit en « blog de maman », alors que je ne me définirais pas d’abord ainsi. En même temps, je n’étais pas non plus uniquement une caissière, une jeune femme amoureuse ou une bibliothécaire quand ça prenait toute la place dans mes textes. Mais je redoutais également de lasser tous ces amis que je connais et qui ne s’intéressent aux enfants que par politesse. Si, malgré tout, le portrait que je fais de lui ne laisse pas indifférent et transmet ce que je ressens, alors j’en suis heureuse.

      Je ne sais pas si 2017 sera l’année de cette éclosion là, peut-être pas mais j’espère qu’elle sera synonyme de création d’une manière ou d’une autre. Je te la souhaite belle également.

      (Je suis contente de le savoir, merci. De temps en temps, je vérifie que tu n’as toujours pas écrit et repars avec une pointe de déception, même si tu es « partie » sur un de tes plus beaux textes.)

    1. J’ai aussi pensé que ça ne me ferait pas de mal, quelques mois avec une bonne hygiène de vie.

      Mais notons que l’impossibilité de fumer, c’est ce qui m’empêchait d’écrire lors de ma précédente grossesse. Or, maintenant, je vis de l’écriture.

  5. J’aime te lire, même sur des textes moins écrits, il y a quelque chose, une sorte de couleur, de teinte, en plus du plaisir d’avoir de tes nouvelles.
    Tu me rappelles que j’ai envie d’écrire en ce début d’année moi aussi.
    Je t’embrasse.
    (ici, j’ai une très chouette pédiatre chez qui on attend des plombes, et une PMI où je crois qu’on n’attend guère mais qui n’est pas très délicate dans ces propos, même si compétente. Alors je continue d’attendre, une fois toutes les lunes rousses. Et sinon, généraliste.)

    1. Je suis partagée entre l’envie de toujours essayer de soigner mes textes en les écrivant au mieux (ce que je ne faisais pas du tout au début de ce blog mais petit à petit, j’y avais pris goût) et l’idée que c’est avant tout un journal qu’il vaut mieux remplir moins bien plutôt que pas du tout. En attendant de mieux m’organiser, ton très gentil commentaire me confirme que je ne dois pas avoir peur de la seconde option.

      Ce n’est pas facile de trouver le bon pédiatre/médecin/professionnel des soins en général. Et si j’étais dans ton cas, je choisirais d’attendre aussi. J’ai décidément eu de la chance avec la PMI de mon quartier.

      Et moi, j’avais loupé ton retour en décembre, entre ton absence en novembre et ces fêtes ailleurs que chez moi. Je ne referai pas la même erreur en janvier…

      Je t’embrasse à mon tour

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