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Je suis dans un terrain vague avec des poubelles et des charognards, le lieu d’une photo ou d’un souvenir, je ne fais plus la différence quand il s’agit de mon enfance, en tout cas je sais où c’est : derrière la maison en Afrique, un gigantesque rectangle, les maisons sont bâties sur 3 des côtés et le quatrième c’est la route. Sauf que, à la place de la route, il y a une grand étendue d’eau qui semble très profonde, comme une piscine mis à part qu’il n’y a pas de bords, ni d’échelle pour descendre, et l’eau est trop verte avec des étoiles mordorées tout au fond. Derrière ce liquide bizarre, j’aperçois son immeuble reproduit à la perfection, on y distingue même le magasin près duquel il habite. Il est devant l’entrée, il me tourne le dos mais je suis certaine que c’est lui. Je m’avance au bord de l’eau, et je cherche un moyen de la traverser pour accéder à l’autre rive. Je ne trouve pas. Mon petit vieux préféré est soudainement à côté de moi. Je m’exclame : qu’est-ce que vous faîtes là ? Vous n’êtes pas dans la bibliothèque ? Il me répond : “vous cherchez à traverser ?” Oui. Je crois que je vais y aller à la nage. “C’est imprudent” me dit-il avec le ton qu’il prend quand il explique quelque chose, sa façon d’augmenter la voix en insistant sur les syllabes des mots. Je suis une excellente nageuse. “Aristote disait…” Et puis sa voix se perd, il n’est plus là. Tant pis pour Aristote, moi je veux traverser, peu m’importe Aristote pour l’instant. Je commence à mettre un pied dans l’eau mais à ce moment là elle devient rouge, je ressors mon pied, il est tout écorché, ça saigne, c’est moche et gluant. Je le frotte dans le sable, des vers de terre s’y collent, ils remuent en me chatouillant, je cours pour m’en débarrasser. Je décide d’aller à la maison pour prendre une table et la mettre au milieu. Je vais dans ma maison d’enfance, il y a toujours la hutte avec le gardien, la petite piscine en plastique dans laquelle je passais mes journées quand je n’avais pas école, la balançoire, le trapèze, les anneaux, la terrasse avec la grande table blanche pour le petit déjeuner, et plus loin la petite table et les fauteuils en osier, les “belles de nuit” : ces fleurs qui me donnaient de l’eczéma, les deux chats, la noire allongée au soleil comme toujours, la grise est dans les brouissailles, la pelouse sur laquelle j’attrapais des sauterelles pour les emprisonner dans des boites où elles finissaient par mourir, pourtant je faisais toujours des trous dans la boîte et j’y mettais de l’herbe, après j’en ai eu marre d’y retrouver des cadavres, alors je les libérais, certaines produisaient un liquide bizarre un peu marron, je croyais que c’était un moyen de défense, récemment sur un autre blog j’ai appris que c’était sans doute du sang, pauvres bestioles. Il y a la grille fermée devant la maison, ces barreaux noirs impossibles à franchir… En dessous le jour de mon départ, une amie m’avait glissé des petits objets : mon cahier de souvenir rempli, des photos d’elle et des cadeaux, mais mes parents ne m’ont pas laissé le temps de les prendre, il fallait partir vite à cause de l’avion qui n’attendrait pas, mon père m’a dit “on reviendra de toute façon”. J’ai appris ensuite qu’il savait déjà que nous ne reviendrions jamais, ce n’est pas grave. La table blanche est trop lourde, l’autre est trop petite. Je n’ai qu’à passer par la fenêtre, je lance une grosse pierre à travers les carreaux. En arrivant à l’intérieur, je vois Carine, elle est toute petite, ses longs cheveux châtain sur ses épaules très fines et son visage sage tellement trompeur. Je lui explique la situation. Elle dit que je n’ai pas besoin de franchir l’étendue d’eau parce qu’en réalité je ne connais pas la personne qui est là bas. “C’est une illusion, me dit-elle, comme de confondre une ombre avec son propriétaire, un reflet dans le miroir avec la personne qui est devant”. Je dis : c’est comme Narcisse en somme, elle fait non de la tête, “Son reflet c’est Pygmalion, celui que tu aimais n’existe pas puisque tu n’as jamais existé pour lui”. Je lui demande si elle va bien depuis tout ce temps. Elle acquiesce et elle m’embrasse sur la joue avant de s’éloigner… Je ressors, il y a le vieux marchand, il venait toutes les semaines avec son vélo, sur lequel il y a des paniers chargés de fruits et de légumes, il me donnait toujours une carotte en disant “cadeau”. Je lui demande mon cadeau mais il ne comprend pas. Il veut savoir ce qu’est devenue la petite fille qui habitait ici, j’explique qu’elle est morte depuis longtemps mais c’est une très bonne nouvelle. Il dit : “c’est vrai qu’elle n’était pas sage”, avec ses dents à moitié pourries, et ses stigmatisations sur les joues, maman m’avait expliqué pourquoi certaines personnes avaient les joues pleines de coupures ici mais je n’ai jamais retenu. Dés qu’elle m’enseignait un savoir, mon esprit se fermait, parce qu’elle prenait son ton de prof, je préférais entendre sa vie et ses histoires, celles qu’elles me racontait le soir aussi en me forçant à m’allonger et à fermer les yeux, et j’étais toujours bien décidé à ne pas m’endormir avant qu’elle ait fini, comme je ne m’endormais pas, les histoires duraient longtemps, pourtant elle ne les finissait jamais “et la suite demain soir”. Le marchand me dit “cadeau” en me tendant un sac rempli de petits yeux qui tressautent tous seuls. Je m’énerve : ce n’est pas ça mon cadeau, et je les jette par terre. “La petite fille n’est pas morte !” crie-t-il en riant trop fort, je ramasse honteusement les yeux et je les mets dans mes poches en le remerciant mais il n’est déjà plus là. Les yeux ça sert à voir, ce doit être pour ça, je plonge les mains dans mes poches pour les examiner, et ils sont réduits en bouillie sanglante, je suis punie parce que j’ai refusé le cadeau et j’ai de la pâtée d’yeux plein les mains c’est dégoûtant. J’essuie mes mains sur le tronc boursouflé du baobab et puis je cours pour ne plus y penser, je ressors par le petit portail en bois. Au milieu du terrain vague, maman me regarde tristement et elle dit “je serai toujours là pour toi, tu sais que je ne vis que pour toi” alors j’ai envie de pleurer et je fuis en sens inverse…

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