Les yeux grands ouverts à 4 h 30 du matin – réveillée en sursaut par la certitude qu’il manque un élément vital dans ma recherche bibliographique et travailler dans une brume ensommeillée. Réussir malgré tout à partir en retard en m’étant levée 4 heures avant le départ en cours. Retrouver le trajet du métro, puis la route qui mène à l’école, parsemée de personnes âgées qui font les poubelles. Froid – blanc sur le gris de la route – doigt engourdis – cigarette roulée à l’envers – papier qui se décolle et se déchire : ça commence bien. Attendre l’ascenseur et puis finalement monter à pied, comme toujours. Regarder la salle où j’ai cours sur le tableau, hésiter devant la machine à café je suis sure qu’elle va avaler mes pièces sans rien me donner / mais non t’es trop pessimiste, cling-burp pièce avalée et pas de café. Soupir. Descendre l’escalier, toutes les lumières s’éteignent, la secrétaire ne comprend pas : ” elles viennent de griller toutes au moment précis où vous passez ? ! ” Regard suspect. ” euh, j’ai rien fait ! “. Je me sens bêtement coupable quand même. Salle surchauffée aux stores baissée, Mme prof est déjà là et contemple son rétroprojecteur avec satisfaction. Je compte le nombre de présents : 12, ce qui fait 15 absents, je me dis qu’ils ont eu bien raison. Le choix de la place est toujours très difficile, il faut prendre en compte à la fois : la possibilité de s’échapper rapidement, la proximité avec une fenêtre, et l’endroit le plus stratégique pour s’endormir sans être vue. C’est quand même grotesque d’en arriver là. Mme Prof ,n’est pas contente : ” non, je ne donne pas de polycopiés en plus pour les absents, ils n’ont qu’à venir. Et vous direz aux gens qui arrivent à 9 h 05 au lieu de 9 h qu’ils perdront des points sur leur dossier “. Si t’étais plus compétente ma cocotte, il n’y aurait ni absent ni retardataires. Elle commence à parler. Au bout d’exactement 3 minutes, j’ai déjà des difficultés à donner du sens à ses phrases, j’entends ” vecteurs… ” ” ontologie… ” ” indexation multilingue… ” ” fixer le terme défini par la requête elle-même fixée par le terme… ” Comme dans la chanson de Boby Lapointe : Mais Keskédit ? ! ? La voisine dit : ” t’as 4 pages de retard sur le Power Point ” oups, froisse du papier, fixe Mme d’un air concentré, tout en s’évaporant par la fenêtre. Décrocher, ça consiste à se mettre en mode veille, autrement dit : je ne rêve pas, je ne réfléchis pas, je ne pense à rien, je ne me distrais même pas, mes oreilles n’enregistrent plus rien, c’est l’état de légume, de plus en plus avachie sur ma chaise. Généralement, ça débouche sur la phase de somnolence qui peut amener au sommeil profond et comateux. J’essaie d’arrêter le processus, je m’ébroue, je bouge les jambes, je tente d’empêcher mon stylo de tomber mollement de ma main… J’englobe du regard la promo et le spectacle est assez effrayant, ils sont tous dans le même état que moi ou alors déjà endormis, la tête posée sur la table. Je pense que si ça se trouve, derrière son histoire d’ontologie et de vecteurs, Mme nous lance des messages subliminaux pour nous hypnotiser, après des scientifiques vont venir nous enlever pour nous faire des expériences ou alors carrément des extra-terrestres – l’abus d’X Files pendant l’adolescence est néfaste pour la santé. L’heure de la pause est dépassée et Mme continue à lancer ses vignettes avec entrain. Les gens regardent leur montre et puis se regardent… Qui va oser l’interrompre ? Y’en a une qui se lance : ” excusez moi, est-ce qu’on pourrait avoir quelques minutes de pause s’il-vous plaît ? ” Mme s’étonne : ” Mais quelle heure est-il… Oh oui bien sûr, j’étais lancée et passionnée par mon sujet, je ne voyais pas l’heure passer ! ” Passionnée ! Voisine me lance un regard suppliant : ” tu ne t’en vas pas hein ? Je t’en prie, reste, me laisse pas ici… ” Je tente : ” tu préfèrerais pas aller prendre un café ? ” Elle dit : ” je peux pas sécher comme toi, après je culpabilise “. Bon, ok, je vais rester, ce sera mieux pour ma conscience aussi. Froid, cigarette, immeubles sous les yeux, traces de neiges sur les toits. Retour dans la salle. Je contemple mes doigts tout jaunes de nicotine avec un certain écoeurement. ” Tu devrais arrêter de fumer ” dit quelqu’un, un autre propose : ” tu devrais mettre de la javelle dessus “, je réponds : ” ou alors je devrais m’amputer “. Ils me contemplent avec un air catastrophé, et il y en a même une qui me lance ” ah non, fait pas ça ! ” sur un ton très sérieux. Ils me prennent réellement pour une folle furieuse, capable de se couper quatre doigts pour des taches jaunâtres ! Quand je repasse dans le couloir, les lumières sont toujours éteintes et la secrétaire me regarde avec une méfiance non dissimulée. ” C’est pas moi ! (bis) “, ” C’est ce que disent toujours les coupables “, annonce-t-elle avec un humour qui semble feint. La journée est longue, je compte le nombre de jours de cours et d’heures qui restent jusqu’au mois de mai, sans vacances, en comptant les week-ends, en comptant l’absentéisme… J’ai mal à la tête. Fin du dernier cours : je fuis littéralement, les Libertines dans mon baladeur. Je constate encore une fois qu’il me faut 20 minutes pour aller en cours chaque matin et 5 minutes pour en revenir, c’est irrationnel. Entendre les miaulements du chats dés que je m’approche de la porte, la serrer dans mes bras, faire chauffer la bouilloire, mettre le sachet de thé dans la tasse, le nouvel album des Kills dans l’ordinateur, m’avachir sur le lit et gratouiller la tête de Bagpuss. Thé – jambes en tailleur – coussin – lit – musique – chat … ça y est je me réveille, la journée commence enfin réellement à 18 heures. J’ai passé ma première journée intégrale de cours après deux mois d’absentéisme intermittents : j’en suis capable ! Plus que deux mois à ce rythme, et puis dans 3 semaines revoir l’amie et d’autres personnes chères, billets de train sous les yeux… Comme dirait maman : ” c’est le bout du tunnel “.
Et puis à part ça, voilà mon premier fan art sur ce blog qui vient de miss Oni, en plus ça s’accorde très bien avec ce post (enfin, avec tout ce blog en fait)