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it’s easier to drink on an empty stomach than eat on a broken heart

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Coup de poing dans mon visage et deux types s’en vont avec mon portefeuille, je ne réagis pas vraiment. Je constate que quelque part dans la réalité, j’ai la mâchoire douloureuse et plus de papiers. Je fais les démarches nécessaires tout aussi machinalement.

Une fille d’une autre promo vient m’accoster, sa première phrase c’est : ” je prie pour que le pape se rétablisse “. Elle a une quinzaine de croix (en colliers, en bagues, en bracelets, je n’en ai jamais vu autant auparavant), un regard exalté, tout en elle me semble surréaliste. J’aurais pu dire ” ah bon ” ou balancer une sale remarque sur ce que je pense du pape et des religieux fanatiques. Mais non, je retourne à mon livre comme si de rien n’était. Elle insiste, alors je pars dans une autre salle, calmement.

Ma grand-mère me parle longuement du tombeau récent de mon grand-père, de la façon dont il m’aimait, etc. D’habitude, je pleure. Cette fois-ci, j’ai posé le téléphone sur la table, pour n’entendre qu’un murmure sifflant sans parole nette et quand le silence est revenu dans le combiné, j’ai dit : ” je comprends “. Cette phrase est absurde et très pratique, utilisable dans quasiment toutes les circonstances.

Dans le métro, un vieil alcoolo, sa bouteille de vin à la main, me dit qu’il va me baiser dans tous les sens. Je dis : ” ça m’étonnerait “, sur le ton de la constatation. La copine à mes côtés est scandalisée. Je trouve qu’elle fait beaucoup de cinéma pour rien du tout.

Quand j’avais 4-5 ans, j’avais une poupée dont les yeux ne se fermaient pas (ils étaient dessinés) alors j’avais demandé à maman : ” si elle a les yeux ouverts, comment elle fait pour dormir ? ” Elle a répondu : ” elle ne dort pas ” et ma méchante grand-mère avait ajouté : ” si tu ne dors pas la nuit, toi non plus tu ne pourras plus fermer les yeux, ils resteront grands ouverts et tu seras très fatiguée. ” Alors, je berçais tout le temps la poupée en lui chantant des berceuses et ” chut, endors-toi “.

Je suis vraiment très fatiguée et mes yeux ne se ferment pas souvent, mais on dirait que quelque chose essaie sans cesse de m’endormir et d’apaiser mes nerfs. Comme si j’avais fait une cure très intensive de Lexomyl, je perds l’équilibre, j’avance à tâtons, tout me tombe des mains… Mais je n’ai aucune force pour rien, pas même pour m’énerver. Je me protège des coups avec un bras quand je les vois venir, si non je fais le nécessaire pour que les plaies ne s’infectent pas, puis je sors la tête basse. Sous anesthésie constante, ” ah bon un autre projet à rendre “, ” ah tiens ils m’ont agressé pour piquer un portefeuille qui ne contient même pas d’argent, mais des photos et des petits souvenirs auxquels je tenais “. Autour de moi, ça s’affole et ça s’agite, je dis : ” tant pis “. Et puis tout à l’heure, quelqu’un a soulevé une hypothèse intéressante en me disant : ” j’ai l’impression que tu es blasée “. ” blasé : « Dégoûté de tout, rendu indifférent, insensible, par l’expérience ou la satiété “. Oui, ça ressemble à ça, sauf que telle que je me connais, ça ne durera pas. C’est le calme qui précède l’ouragan. Je m’endors pour m’auto-protéger, mais plus violent sera le réveil. L’hystérie, les envolées lyriques, les espoirs extatiques puis les découragements apathiques, les fix d’auto-persuasion le matin et les descentes lucides le soir, je me déplace sur un fil à mi-hauteur entre les montagnes et les plaines. Etat stationnaire, envol ou rechute à la moindre brise, frail and insecure.

” I know that I can be cold sometimes
There was snow on the ground when I was born
And the stars didn’t shine that night.
Take me out, take me out, and I’ll melt,
I’ll melt. All the way down “.
(Rainer Maria – I’m melting)

* ” for each inch cut, the roots grow ten where we can’t see them ” (Eric Frost, ” The Pruning Diaries “)

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