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« La maternité, c’est l’épanouissement absolu pour une femme, c’est tout ce dont elle peut rêver, non ? »

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Dans les rêves dont je me souviens au réveil, je ne suis presque jamais dans cet appartement stéphanois, et bien souvent je suis toujours bibliothécaire. C’est amusant car j’ai l’impression de rêver lorsque je déclare : “je vis à St-Etienne et je suis provisoirement (?) mère au foyer”. Je commence à peine à m’y faire, ou à me résigner. Je me rappelle des premières semaines ici de façon à la fois détaillée et floue. J’ai des images très précises en tête qui se détachent sur un fond aquarelle. Je ne sais pas exactement si c’est à cause des larmes, de la fatigue ou du brouillard nocturne durant cet hiver là.

(Une nuit, je me suis levée pour préparer un biberon. C’est bizarre d’ailleurs car dés la sortie de la maternité, mon amoureux a décidé de donner les biberons nocturnes. Je suppose qu’il y a eu une exception à cause d’une obligation professionnelle. En tout cas je me revois – un biberon dans une main et la bouteille d’eau minérale dans l’autre – regarder machinalement par la baie vitrée. D’habitude, du haut de ce septième étage, j’ai vue sur la ville et sur le ciel : la haute croix illuminée sur la colline, le buildings dans lequel une lumière se déplace d’un couloir à l’autre quand l’ascenseur monte, la forme de la lune, la constellation d’Orion quand il n’y a pas de nuages… Cette fois-ci, il n y avait qu’une brume tellement opaque qu’elle ressemblait à un effet spécial grossier dans un vieux film d’horreur. C’était très beau et infiniment angoissant à cet instant, terrifiant d’immobilisme et d’impénétrabilité, comme si j’étais arrivée à l’endroit où il n’y a plus rien à part un mur gris sans fond (une épaisse impasse.))

Lorsque je suis entrée pour la première fois dans l’appartement que mon amoureux avait décidé de louer (étant théoriquement proche du terme de ma grossesse, je ne pouvais pas prendre le risque de me rendre à St-Etienne pour effectuer des visites avec lui), j’ai aimé la terrasse. Il en a choisi une grande qui domine la ville (il sait que j’aime être en hauteur). Elle m’a souvent consolée d’ailleurs, surtout à la nuit tombée. Pour le reste… Je ne m’y sentais pas particulièrement chez moi, même au bout de plusieurs mois. En même temps, le concept du “home sweet home” – “c’est bon de revenir chez soi” – etc. m’est étranger. Il y a des endroits que je trouve moches, et d’autres que je trouve jolis. Tant qu’à faire, je préfère vivre dans un endroit que je trouve joli, c’est tout. Mon amoureux préfère vivre dans un endroit fonctionnel. Lui, au moins, il ne risque pas de passer un an dans un rectangle de 10m2 sous prétexte qu’il y a une vue panoramique de la ville depuis le toit (je ne comprends toujours pas comment j’ai pu supporter de vivre dans ce placard vitré insalubre aussi longtemps). Il a donc opté pour un appartement rempli de rangements, calme, suffisamment spacieux, et supportable visuellement (à condition de ne pas trop faire attention aux toilettes turquoise et à la texture du papier sur les murs du salon). C’est déjà bien. Je suppose qu’il serait possible de l’améliorer d’un point de vue esthétique, mais encore faudrait-il que je commence réellement à y emménager.

J’escaladais des cartons entassés, parfois éventrés mais néanmoins toujours présents, semaine après semaine. J’ai pensé à mes parents qui, pour avoir une chambre de plus afin d’accueillir leur futur petit-fils, avaient décidé de déménager l’été précédent. Leurs visiteurs, face à une pièce, qu’elle soit vide ou meublée, se projetaient dans une infinité de possibilités. Le regard lointain, ils disaient : “on pourra mettre tel meuble là, tel autre ici, faire sauter cette cloison, mettre un potager dans tel coin…” Pour ma part, je suis incapable de me projeter dans l’espace (et dans le temps). Quant à mon amoureux, je crois qu’il s’en moque. Présentement, son nouveau poste professionnel monipolise son attention. Alors je suis plantée devant ces meubles et ces cartons, à pousser les premiers dans différents coins, à vider les seconds au hasard, en ayant la certitude de mal faire.

Pour me simplifier l’existence, ces emballages ont été faits dans l’urgence, sans méthode. Par exemple, sur celui qui porte l’inscription “vaisselle”, je trouve quelques assiettes et surtout des fils électriques (si au moins, après avoir vidé celui-ci, je savais que j’en avais fini avec la catégorie “vaisselle” j’aurais l’impression d’avoir progressé, mais les couverts cohabitent probablement avec des disques). Ailleurs, une petite figurine venue d’un Kinder Surprise côtoie une dissertation du lycée et un coquillage ramassé 15 ans plus tôt sur une plage en Espagne. Oui, il y a temps (oh le lapsus ridiculement prévisible qui vient de naître sous mes doigts !) tant d’objets incongrus ou inutiles… Est-ce censé de conserver ce candelabre recouvert de rubans violets et de roses en plastique qui appartenait à ma colocataire ex gothique en 2002 ? (rue Espariat Aix en Provence, au dessus du disquaire qui a disparu en mon absence… hall d’entrée glacial, escalier tournoyant romantique, tomettes hexagonales, cheminées en marbre, et volets qui se fermaient de l’intérieur… un matin d’ivresse, j’ai failli demander un prêt pour l’acheter. J’étais particulièrement amoureuse du trône juché sur quatre marches dans les toilettes, il ne manquait que la couronne)… A cause de ma tendance à la syllogomanie, je pose ces brimborions au hasard dans des tiroirs et finalement je pratique… euh… le rangement désordonné ? Une absurdité.

De toute façon, même si j’étais une professionnelle du rangement et de la décoration, mon bébé m’empêcherait de faire quoi que ce soit à cause de ses mystérieuses coliques du nourrisson*. Pour essayer de l’aider quand il se tordait en hurlant, je me suis bien renseignée sur le sujet. J’ai appris qu’en réalité, ce sale gosse mon fils adoré ne souffrait pas du tout et qu’il s’agissait d’un instinct de survie pour exiger l’affection de sa mère. Pourtant, paradoxalement, c’est sans doute ce comportement qui pousse certains parents à confondre leur bébé avec une bouteille d’Orangina. Heureusement, il existe un moyen moins dangereux de le faire taire, à savoir le porter en déambulant (pour ma part, décrire des cercles dans le salon était très efficace). Bon mais va-t-en vider des cartons en déambulant avec un bébé en écharpe… De ces premiers mois, me restent surtout des heures à tourner en rond pour tenter d’empêcher mon fils de crier, par les gestes et par la voix, tandis qu’autour de moi le désordre et la saleté s’accumulaient.

Durant ces premiers mois en compagnie de mon fils, je me souviens de m’être sentie incomprise, sans pour autant faire l’effort d’être comprise. Un matin ou un après-midi ou un soir – je ne sais plus et qu’importe, j’étais aussi déphasée que mon nouveau-né – alors que je surgissais hébétée, en pyjama taché de lait caillé, les mèches de cheveux collées par l’urine (ah heureux parents d’une petite fille qui n’avaient jamais subi les jets de pipi au moment du changement de couche !), mon “beau-père” m’a dit : “la maternité, c’est l’épanouissement absolu pour une femme, c’est tout ce dont elle peut rêver, non ?” (Euh… alors présentement, ma main dans ta gueule, ce serait surement l’épanouissement absolu pour moi, non ?) En dépit du ton interrogatif, ce n’était pas une question. Dans son regard, j’ai même distingué une lueur de jalousie envers mon “épanouissement maternel absolu”. Je suppose qu’il se contentait de répéter les propos de son épouse, ancienne mère au foyer et éternelle femme au foyer. Je suis consternée mais je ne lui en veux pas. Néanmoins, comment dire…

Parfois quand mon amoureux revenait du travail, il me trouvait en larmes à côté du berceau, hoquetant : “je n’ar-ri-ve pas à le cal-mer, je ne com-prends pas ce qu’il a, il n’ar-rête pas de pleu-rer…” Affolé, il essayait gentiment de dédramatiser la situation. Plus tard, à l’heure de l’indispensable apéritif, il me racontait sa journée de travail, l’article qu’il avait lu ou le disque qu’il avait entendu, avant d’ajouter : “et toi ?” “Euh… J’ai fait des lessives et des vaisselles, le bébé a régurgité tant de fois, il a fallu que je le berce tant de temps avant qu’il s’endorme… Je n’ai pas réussi à prendre une douche, ça fait déjà 48 heures mais si j’y vais maintenant je risque de le réveiller alors qu’il dort enfin”. Chaque soir, je me sentais aussi décérébrée que si j’avais passé une semaine à regarder des séries de télé-réalité sans interruption. Aucun doute, c’était de l' »épanouissement absolu”…

Mes beaux-parents ne sont pas les seuls à nous avoir rendu visite durant cette période. Quelques amis ont fait l’effort de venir dans L’Un Des Endroits Les Plus Déprimants Au Monde** pour nous féliciter et admirer le fruit de notre amour, y compris quand celui-ci les indifférait de façon flagrante. Parmi eux, certains axaient leurs commentaires sur mon nouveau statut de chômeuse. “Finalement c’est une chance d’avoir été licenciée à ce moment là, ça te permet de voir grandir ton fils”, “être à la maison avec son enfant, c’est quand même plus cool que d’avoir un réveil et d’aller bosser”…

D’accord, je suis la première à dire qu’au fond, quitte à perdre mon boulot, autant que ce licenciement coïncide avec la naissance de mon fils et surtout avec le nouveau poste de mon amoureux loin de Lyon. Si je n’avais pas été virée, j’aurais dû démissionner ou le contraindre à prendre un travail moins intéressant pour lui à tous points de vue. Mais de là à me faire croire que c’est une “chance”…

Pendant qu’ils énoncent ces banalités pénibles, je revois le parfum poussiéreux et humide – inimitable – de “ma” bibliothèque (est-ce débile de penser qu’un travail peut convenir à une personne aussi parfaitement qu’un vêtement sur mesure ? Ou bien est-ce que ce n’est qu’une question d’expérience, d’apprentissage, de capacité à faire avec ou sans…? Je garde ce sentiment d’être faite pour travailler là bas, comme si dans ce contexte uniquement, mes obligations professionnelles s’accordaient parfaitement avec mon caractère et avec mes capacités… Mais alors qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de ma vie après ? Y aura-t-il un après ?), les bonds irréels de grâce des écureuils dans le parc dés potron-minet, les gouttes de pluie sur les roses devant la fenêtre du sous-sol, l’heure de marche le long des quais lyonnais tous les soirs, ce pont qui oscillait sous mes pas au dessus de la Saône (les remous et les couleurs des deux rivières), mes conversations tellement superficielles et néanmoins intimes avec certains passagers dans le bus, la musique et les livres dans lesquels j’étais libre de m’immerger à volonté… Même si je leur dis “oui, on peut voir ça comme ça” en souriant, la colère et la frustration m’asphyxient discrètement. Oui vous avez raison, j’ai bien de la chance de passer ma journée à vider des cartons et à nettoyer des selles jaunâtres, avec un bébé qui hurle pour seule compagnie diurne.

“Mais dis-leur qu’ils t’énervent quand ils te disent ça et que ça te déprime”, me rétorquait mon amoureux. C’est vrai que je peux difficilement leur en vouloir à partir du moment où je joue la comédie de la mère épanouie. Ceci dit, je suis heureuse d’avoir mon bébé. Ce n’est pas vraiment là qu’est le problème.

(A partir du deuxième mois de mon fils et jusqu’à ce qu’il sache se tenir debout, une scène se reproduisait tous les matins. J’ouvrais la porte puis les stores de sa chambre, ce qui entraînait trois réactions en chaîne. D’abord il s’étirait longuement, aussi soigneusement qu’un gymnaste qui s’échauffe avant un entraînement. Cette rigueur dans l’écoute de son minuscule corps avait quelque chose d’indéfinissablement attendrissant. Ensuite il éternuait. Enfin il me faisait un grand sourire. Je le soupçonne désormais d’avoir sourit parce qu’il éternuait, indépendamment de ma présence, mais on s’en moque au fond : tout le monde n’a pas droit à un tel accueil tous les jours de la semaine.)

D’abord qu’il s’agisse d’une déprime post-partum, post-licenciement, post-déménagement ou “post-une-multitude-d’evènements-anxiogenes”, je savais qu’elle était passagère même si elle figeait le temps.

(Temps durant lequel, sans cesse, les gens répètent : “profite de chaque instant, ça grandit tellement vite !” Alors euh… comment vous dire… J’avoue que je suis tellement impatiente de le voir marcher, parler, rire et jouer que le temps me paraît sans doute particulièrement long, mais tout de même. Objectivement, la plupart des animaux naissent avec des dents et savent se déplacer même maladroitement dans les heures qui suivent leur venue au monde. Le nourrisson humain est à moitié aveugle et paralysé. Incapable de communiquer autrement qu’en pleurant, il agit via d’étranges réflexes archaïques. D’une certaine manière, je vois plutôt le bébé comme un ordinateur défectueux : chaque mois, un nouveau bug se produit, une mise à jour est nécessaire, laquelle entraîne un nouveau bug, et ainsi de suite, ce qui produit une certaine forme de lassitude chez le parent. Mais surtout, pourquoi insistent-ils tout à ce point sur la “vitesse à laquelle ça grandit” alors que c’est cette lenteur dans l’éveil au monde que je trouve émouvante ?)

Ensuite, malgré toutes les Mère Indigne, Mauvaise mère et autres Mère Bordel du net, il suffit de manifester son épuisement pour que des abrutis tiennent ce type de propos : “si tu ne le voulais pas t’avais qu’à pas le faire il n’a rien demandé”, “ça couche ça fait des gosses et après ça se plaint”, etc. Non parce que si tu aimes ton bébé, tu renifles avidement son caca au moment du changement de couche, tu jubiles quand il te vomit ou qu’il t’urine dessus, tu es proche de l’extase quand il hurle depuis deux heures, tu n’as pas le droit de le trouver pénible ou ridicule quand il s’allonge par terre en pleurnichant parce que tu refuses de lui donner le couteau de cuisine sur la table, et tu n’as strictement rien d’autre à faire de ton existence que de le contempler béatement du matin au soir. C’est évident, voyons.

Enfin et essentiellement, je n’ai aucune raison d’être désagréable vis à vis de ces proches qui m’agacent car ils sont bien intentionnés malgré leur maladresse. Au lieu d’insister sur ce que j’ai perdu, ils valorisent ce que j’ai acquis : une famille.

(autrefois – quasiment dix ans auparavant – j’affirmais à mon (futur) amoureux que pour former un couple heureux et durable, des appartements séparés étaient nécessaires. Selon moi, à vivre entre des murs communs, chacun finissait par se lasser de l’autre, par le détester ou par le désaimer d’étouffement… J’admets qu’après quelques années d’une relation à grande distance, j’en suis revenue. Mais néanmoins… comment en suis-je arrivée là ? Donc maintenant, nous formons une famille, je suis maman, nous formons une famille, je suis maman… je vais bien finir par m’y faire !)

J’ai passé cette première année, partagée entre l’envie de vivre autre chose que l’existence d’une mère au foyer et le désir voir progresser mon fils sans rien perdre de son évolution, à la recherche d’une alternative qui nous convienne à tous les deux. Et puis finalement, peu de temps après son premier anniversaire, je me suis décidé à prendre une nounou, trois puis quatre jours par semaine. Durant ces 8 derniers mois, c’est essentiellement dans ce domaine que j’ai acquis des compétences. Je possède désormais une formation complète quant aux problèmes qu’un parent employeur rencontre avec son assistante maternelle. Des conflits liés aux besoins physiologiques de l’enfant aux exceptions contractuelles, j’ai lu d’innombrables textes de loi, posé des questions sur des forums d’assistante maternelle (j’ai toujours fui les forums par le passé, c’est dire l’étendue de mon désarroi), appris qu’il ne fallait jamais faire confiance au personnel du RAM… Je suis devenue quasiment experte en la matière. En revanche, je ne suis pas convaincue d’avoir eu d’avantage de temps libre, surtout en tenant compte des deux heures par jour passées dans les bus pour aller l’amener et le ramener.

Enfin au moins, grâce au temps passé dans le bus, je vois d’autres personnes que mon fils, mon amoureux, mon maraîcher, mon buraliste et la caissière de la supérette en face de chez moi. Je préférais néanmoins les passagers de la ligne 19 à Lyon.

(Parmi les passagers que je revois fréquemment, il y en a un qui m’intrigue autant qu’il m’inquiète. C’est un homme qui transpire la mauvaise hygiène de vie. Assez gros, essoufflé, rougeaud, à l’odeur de transpiration aigrelette qui fait du bien de bon matin après le petit déjeuner, il a toujours le même comportement : il arrive devant l’arrêt de bus, il s’assoit sur le petit muret en face du panneau, il éteint la cigarette qu’il avait aux lèvres pour en allumer une autre (qu’il éteint généralement alors qu’elle est à peine consumée pour monter dans le bus), puis… il saisit n’importe quelle occasion de proférer des insultes ou de chercher la bagarre. Par exemple, si une gamine avec un cartable passe devant lui, il lui hurle : “toutes des salopes !”. S’il s’agit d’un garçon – quel que soit son âge – ce sera : “tous des enculés !”. Si une personne qui attend le bus ose – comme un seul a osé le faire en ma présence à ce jour – lui faire une remarque (“hé ho mec ça suffit là, ces gens ne t’ont rien fait”), il lui fout un coup de poing. Alors en ce qui me concerne, lâche, je reste à l’écard en calînant LeBoutchou dans son porte bébé contre mon ventre, sans jamais regarder directement cet homme. Et pourtant, j’ai une gigantesque enivie de lui demander : “non mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé pour que tu deviennes aussi aigri et véhément ? Quelle vie pousse à devenir quelqu’un comme toi ?” Bien entendu, je ne le ferai jamais.)

Grâce au temps passé dans le bus, je peux aussi lire, activité qui me donne l’impression de me recréer des neurones entre le moment où je nettoie la cuisine et celui où je montre des images d’animaux à mon fils en répétant “c’est une vache, elle fait meuh !”. Un de ces jours, je réussirai peut-être à écrire sur Sens Critique pourquoi Jakuta Alikavazovic m’a tour à tour fascinée et déçue en fonction de ses livres, ou à expliquer pourquoi “L’homme qui savait la langue des serpents” est extraordinaire. En attendant, je ne trouve pas le temps de recopier les citations que je souligne au crayon à papier sur le siège aux couleurs criardes du bus.

Sinon, je fais du rangement, des taches ménagères, et je cuisine. Dans un instant d’auto-dérision, j’ai presque envisagé d’ouvrir un blog culinaire, notamment avec des recettes pour bébé, car au moins je pourrais le remplir aisément. Je ne parviens pas à m’extraire de ces foutues corvées (je ne mets pas le fait de faire la cuisine dans le lot). Autrefois, je n’y arrivais pas parce que mon nourrisson me demandait trop d’attention. Maintenant, s’il a été présent un week-end, que dis-je une journée, voire une heure s’il est d’humeur coquine, l’appartement semble avoir subi un tremblement de terre. Mon amoureux m’aide bien entendu, mais à partir du moment où il bosse 40 heures par semaine au minimum pendant que je suis dans l’appartement, je tombe dans le piège classique de la femme au foyer. Reste le soir après avoir couché LeBoutchou***… sauf qu’à ce moment là, précisément, je tiens à passer la soirée avec mon amoureux et je suis trop épuisée pour “rechercher activement un emploi”. De toute façon, compte tenu du taux de chômage à St-Etienne et du nombre de postes susceptibles de m’intéresser, je ne pense pas faire preuve d’un découragement irraisonné en supposant que je vais rester dans cette situation encore longtemps si je ne trouve pas le temps nécessaire pour préparer un concours.

Alors je me fais des plannings qui ne servent strictement à rien. Je m’enlise. Néanmoins comme ils disent à juste titre (même si…), j’ai “la chance” de voir grandir mon fils. Très gros dormeur, bon mangeur qui manifeste son contentement à chaque bouchée, super câlin au fou-rire facile, je crois qu’il est heureux et que j’y suis pour quelque chose. A défaut d’épanouissement maternel absolu (qu’est-ce que cette expression peut bien vouloir dire concrètement ?), C’est déjà ça ; ce n’est pas tout mais c’est tellement plus que rien.

* Malheureux parents qui tombent sur ce texte après avoir tapé “coliques du nourrisson” dans Google, soyez rassurés, ça finit par passer totalement du jour au lendemain (au début du quatrième mois pour mon fils)

** Chers Stéphanois qui ne me lisaient pas, si d’aventure vous tombiez ici, sachez que tôt ou tard j’expliquerai pourquoi ce n’est pas réellement “L’un Des Endroits Les Plus Déprimants Au Monde”.

*** A la maternité, j’appelais mon fils “Porcinet” car ses pleurs évoquaient étrangement les grognements d’un cochon, mais petit à petit c’est devenu “Le Boutchou”. Jamais je ne me serais imaginé donner un surnom aussi bêbête et surtout absurde à mon fils (quand on y pense, un bout de choux ce n’est pas particulièrement mignon ni même appétissant), mais c’est venu spontanément et c’est resté.