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Dîtes-leur de m’attendre ou de m’oublier

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Je ne veux pas, ou je ne sais pas, poser les accents, placer des nuances, m’étendre, déborder, raccrocher les mots les uns aux autres, leur donner un sens, longuement soigneusement… Le soir venu, il ne reste presque rien de mes journées : quelques sons, une température, des couleurs dissociées… Je les traverse sans les mémoriser. Out of time, out of season… Une petite fille fait des bulles de savon du haut d’une fenêtre, elle a les cheveux blonds retenus par un serre-tête bleu et elle s’est dessinée deux gros ronds rouges sur les joues. Elle rit aux éclats en voyant les bulles, couleur arc-en-ciel dans le soleil, s’envoler vers les toits. Elle est belle. J’ai envie de la prendre en photo, mais je n’ose pas à cause de l’homme qui la tient affectueusement par la taille pour l’empêcher de tomber… En lisant dans un message “tu as le profil d’une héroïne de roman. Enfin, de l’héroïne du roman que je rêverais d’écrire”, ma première réaction a été “j’aimerais tellement qu’on me dise quelque chose comme ça”, je n’arrivais pas à concevoir que cette phrase m’était destinée… Mon père veut savoir si j’ai branché la télé – non, toujours pas – “mais putain c’est un geste, t’as juste à mettre un fil dans un trou”. Je recommence à me laisser déborder par les gestes simples. Je ne peux pas prétendre être occupée, je choisis de ne rien faire. Ecouter de la musique, lire, écrire, je n’ai pas besoin de télé dans ce contexte… “Mademoiselle, vous avez rendez-vous avec moi ce matin, je voulais savoir si vous étiez en retard ou si vous m’aviez oublié”. Je n’ai pas eu envie d’y aller et décrocher le téléphone me demandait trop d’effort, il me fallait interrompre ma nouvelle puis sortir de mon lit puis descendre un escalier puis traverser deux pièces puis allumer l’ordinateur pour retrouver le numéro puis composer le numéro puis parler : insurmontable, je vous assure. Vous ne pouvez pas comprendre, vous êtes toujours dynamique, enjouée, vous êtes tout ce que j’aurais aimé être avant de renoncer. Votre énergie me fatigue et m’agace parce qu’elle me renvoie à ma léthargie. Mais dans l’ensemble, on peut dire que je suis en retard, c’est une élégante façon de désigner mon état… La marguerite effeuillée a rendu son verdict “pas du tout”, ce n’était ni surprenant ni décevant, juste de quoi me faire esquisser un sourire amer… J’ai entendu “allez crever” en sortant du bus, mais j’imagine que le conducteur a dit “bonne journée” en réalité. C’est comme ce soir où assise sur l’escalier, en attendant quelqu’un qui ne viendrait pas, je me demandais pourquoi il y avait une corde pour se pendre au centre du couloir ; en fait il s’agissait juste d’un amas de fil électrique bizarrement suspendu ; dans la pénombre le doute était possible, ou pas. Il y a des jours comme ça, que je remplis malgré moi de connotations morbides, mon inconscient ne se sent pas très bien ces temps-ci sans doute, pauvre chéri… A : je suis toujours malade le week-end c’est parce que je ne fais rien ; B : oui moi c’est pareil, dés que tu te reposes et que tu te détends c’est là que tu tombes malade ; A : c’est pour ça que je ne suis jamais malade quand je travaille ; B : les week-ends c’est ce qu’il y a de pire ; A : il faudrait ne jamais se reposer pour être toujours en forme. Les gens peuvent être tellement bêtes. Je regarde mon assiette afin d’éviter d’être embrigadée dans cette conversation absurde… Mon P’tit Vieux Préféré m’a dit “c’est la fin de la semaine, c’est triste, c’est toujours triste la fin”. I always cry at endings a été ma première pensée, et en fait non. Je ne vois ni début ni fin de toute façon, je n’y suis pas… Quand la pluie tombe sur les vitres, il y a toujours quelques gouttes qui restent immobile parmi les trainées, parfois elles se font balayer et s’écrasent quelques centimètres plus bas, mais certaines continuent à être posées au même endroit, frémissantes. Je suis parmi elles.

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