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Somethin’ filled up my heart with nothin’, someone told me not to cry

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J’ai fait demi-tour parce que j’avais laissé mon parapluie dans son appartement. Leurs voix s’échappaient par la porte entrouverte. L’une a dit “tu crois qu’elle va aussi bien qu’elle en a l’air ? Elle n’a pas l’air de la fille qui vit un chagrin d’amour”, l’autre a répondu “elle fait semblant ou elle est insensible, va savoir avec elle”.
Alors j’ai renoncé au parapluie. J’ai dévalé les escaliers pour ne pas en entendre davantage. J’avais mes bottes en caoutchouc de petite fille, les colorées, celles qui glissent sur la pierre sans faire un seul bruit.
Dehors il pleuvait comme prévu, mais tant pis. J’étais déçue et j’ignorais pourquoi. “T’aurais préféré avoir l’air désespérée ?”
Non, mais…
(…)
A chaque fois que je prends un parapluie, je le perds immédiatement. Madame la Fatalité en a décidé ainsi : je serai toujours trempée les jours de pluie.
Je marchais trop vite comme si j’espérais passer à travers les gouttes. J’avais l’impression de fuir mais il n’y avait rien derrière moi, ni devant moi d’ailleurs.
J’essayais de ne pas trop m’enfermer dans la musique de mon baladeur car c’est souvent à cause d’elle que je me perds dans les ruelles. Je me suis laissée ensorceler malgré tout. J’ai toujours été une victime idéale, consentante, pour le joueur de flûte de Hamelin : noie-moi si tu veux mais surtout ne t’arrêtes-pas de jouer.
Je m’approchais, je m’éloignais, les minutes défilaient, la pluie tapait sur mon corps avec une stabilité de métronome. J’étais essoufflée et très fatiguée.
Je me suis souvenue d’un cours où le prof lisait cette phrase : “il est devenu tellement malade qu’il en a perdu le souffle”, je ne sais plus qui l’avait écrite. Je l’avais aimée. C’était plus poétique que “il est devenu tellement malade qu’il en est mort”.
Autrefois je sentais l’odeur de son souffle et j’écoutais le bruit de sa respiration lorsqu’il s’endormait à mes côtés, longtemps, longtemps. Les yeux grands ouverts dans la pénombre, les doutes murmuraient dans mes oreilles… J’essayais de ne pas les entendre, sa présence me servait de rempart… au moins jusqu’au lendemain.
(…)
N. était assis devant ma porte, un laconique “bonsoir” en guise d’accueil, comme si sa présence devant chez moi au milieu de la nuit était tout à fait normale. Je n’ai pas été réellement étonnée pourtant, car il a toujours été comme ça : nul ne sait d’où il vient ni où il ira.
Je dessinais des figures absurdes sur la vitre quand il a pris ma main et l’a posé dans le creux de sa gorge, à l’endroit où le cœur résonne. Machinalement, j’ai dit : “lui aussi, il éprouvait le besoin de me faire sentir les battements de son cœur”.
Il m’a demandé : “est-ce que le mien bat plus vite ?”
J’ai répondu sincèrement, sans hésiter : “je ne sais pas, j’ai oublié à quel rythme son cœur battait ; j’ai oublié pourquoi je l’aimais”.
Et puis je me suis mise à pleurer.

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