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I know where the summer goes

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Hier matin, j’ai espéré l’orage, quand le ciel était gris et tacheté de noir. J’aurais aimé marcher sous un orage, avec Sigur Ros dans les oreilles, le long des quais devenus déserts. J’imaginais déjà le bruit, l’odeur, la lumière, et surtout l’interruption de cette chaleur pesante, étouffante, assommante.

Le ciel s’est finalement dégagé au moment où elle est arrivée, en s’excusant de me déranger “parce que c’était sur le chemin pour rentrer du mariage”. Je me suis laissé bercer par sa voix à la Nico, pendant qu’elle me donnait des nouvelles d’une famille que je n’ai jamais rencontré. Sa voix est de plus en plus grave, rauque, fêlée par endroit, elle a la tonalité du vécu – tabac, alcool, cris… on y entend tous les excès. [Quand mes parents invitaient des amis à dîner à la maison, et que j’étais toute petite, je m’asseyais sur les genoux de ma mère, ma tête reposant contre sa gorge. Je m’endormais généralement au début de leur repas et puis je me réveillais toujours au même moment, vers le dessert. C’était sa voix alcoolisée qui me réveillait, cette façon d’avaler les mots, ce ton de plus en plus criard aussi, ça me cassait les oreilles et en même temps, j’aimais bien. C’était guttural, comme si toutes les vibrations se répercutaient dans mon corps. J’avais envie de lui crier d’arrêter de m’exploser les tympans, mais je me sentais étrangement protégée… rassurée par la façon dont le son se propageait à l’intérieur de moi.] Je regarde droit dans ses yeux bleus troubles mais, comme toujours, je n’arrive pas à savoir si son regard est dirigé vers le mien, ou si elle fixe la rue à travers moi. Malicieusement, elle chantonne “il était une Cécilette Pirouette Cacahuète, il était une Cécilette qui voulait toujours avoir raison… tu t’en souviens ?” Evidemment, c’était la chanson post-dispute, quand mon père avait hurlé en m’engueulant et que tu venais me consoler…

Après son départ, j’ai lu L’éléphant s’évapore (Murakami Haruki) en écoutant “Push Barman to open old wounds”. La dernière page du livre ayant été lue, je suis restée allongée sur une montagne d’oreiller, la patte blanche du chat me caressant tendrement le bras, et j’ai mis ces deux CD en boucle. Je ne voulais rien faire d’autre à part écouter ces deux disques, encore, en chantonnant vaguement parfois ces paroles que je connais par cœur. Au fur et à mesure des chansons, je me sentais de plus en plus calme, juste parfaitement bien. Belle & Sebastian devrait être placé au rayon anti-anxiolytique des pharmacies, ou comment la légèreté teintée de mélancolie peut chasser l’énervement et l’agressivité.

Il y a une dizaine de jours, j’ai rêvé qu’il m’écrivait. Et depuis, à chaque fois que je vérifiais ma boîte aux lettre, j’espérais y trouver une lettre, plus encore qu’avant, même si je me répétais que c’était un comportement idiot. Ce matin j’ai réalisé que j’avais oublié de vérifier mon courrier hier. Et elle était là. Mon cœur s’accélère en saisissant l’enveloppe, comme autrefois lorsque, à chaque fois que ma sonnette retentissait, j’espérais le trouver derrière la porte. Je découvre son écriture serrée, raide, ses phrases démesurément longues… Je retrouve ses dessins, ceux que j’admirais tellement quand il sortait ses croquis des beaux-arts. Et puis une tablette de Crunch à l’intérieur, malheureusement pas mal abîmée par le voyage, mais l’intention me fait sourire, de même que les multiples allusions au passé à l’intérieur de la lettre. [Je me demande si tu te rappelles du soir où tu as été le seul à t’apercevoir que j’avais disparu dans une autre pièce, contre une fenêtre obscure, parce que je voulais pleurer sans être vue, et tu as délicatement fermé mes paupières avec tes doigts, avant de les embrasser en disant “bisou magique”. C’était très nunuche mais il n’empêche que j’ai oublié de pleurer après, parce que c’était tellement doux et spontané]

Certaines cases de ma mémoire s’étaient légèrement éteintes, et puis elles se rallument les unes après les autres. Tout a un effet Madeleine de Proust ces temps-ci… parfois ça a bon goût et ça me fait sourire d’un air idiot, parfois c’est complètement rance et ça me donne la nausée. Je suppose qu’il y a des périodes comme ça. Quand quelqu’un que j’aime meurt ou me quitte, je mets toujours longtemps à réaliser que c’est vraiment irrémédiable, je m’accroche à l’avenir pour m’obliger à ne pas y penser. Jusqu’au moment où quelque chose me rappelle ce que cette personne était : une photo, une phrase, une odeur… Il y a nécessairement cet instant de prise de conscience impossible à fuir. J’écoute B&S chanter in the hope I’ll forget I’ll wait. Ce n’est pas très important cette sensation de vide au présent et ces ruptures qui ne prennent tout leur sens que maintenant, parce que au moins ce sera clair et net après… (Peut-être).

Those times I’m all alone
Those times my hate is freed
Those times I’m not alive
But those times my heart is cleaned
(Jomi Massage)

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