A l’adolescence (on va prétendre que j’en suis sortie), j’étais ce qui s’appelle généralement une fan, même si le mot groupie m’a toujours paru plus positif. J’étais celle qui passait l’après-midi devant les salles de concert et qui guettait la sortie des coulisses après le concert. J’entassais les bootlegs, cds pirates, edition promo, collectors, stickers… Je couvrais mes classeurs de photos, d’interview et de texte de chansons. Il n’y a pas nécessairement de quoi en être fière, mais ça occupait une énorme partie de mon existence. Avec le temps, les idoles et icônes ont pris la poussière avant de finir en vente sur ebay. De ce passé maniaque, me reste le goût des jolis coffrets bien agencés, des éditions limitées et autres vinyls, souvent à des prix exorbitants. Je trouve absurde ce plaisir de voir trôner le vinyl de Legal man de Belle and Sebastian, ceux de Nico, mon coffret métallisé de Gainsbourg, etc. Cependant, je n’arrive pas à sortir de cette collectionnite maladive. A Aix, malheureusement ou pas, le choix était très limité dans ce domaine, m’obligeant à commander sur Internet et freinant par là-même mes besoins (la vision réelle de l’objet m’influence davantage). Mais à Lyon, il y en a partout des disquaires qui couvrent leurs murs d’objets magnifiques. Dans ces endroits paradisiaques, je me serais presque crue victime du syndrôme de Stendhal. Bilan de l’après midi : un coffret Angel Sanctuary (le tome 1 du manga – que j’avais déjà mais ce n’est pas ça qui m’arrêterait – deux dvds, trois cartes postales et un livret), un vinyl avec une Jeanne Moreau sublime, un coffet collector des albums et faces-B de Pere Ubu, une edition deluxe du Velvet Underground et un picture disc de Joy Division. J’ai réussi à freiner ma main qui s’apprêtait à mettre un livre relié sur le post rock dans mon sac. Moi qui n’ai jamais rien volé (à part des bonbons ça compte pas), je me suis sentie des pulsions kleptomanes dans de tels lieux. J’ai réussi à m’en empêcher par peur de me faire repérer dans un endroit où je suis susceptible de retourner très vite. Je vais passer le reste de la semaine le ventre vide, à fumer des amsterdamers roulées, puisque ma cartouche de Marlboro menthol et mes envies de resto se sont envolées en même temps que je passais à la caisse. C’est à ce moment là que j’ai compris qu’il s’agissait de la plus forte de mes dépendances. Il va falloir que je me soigne. Si on prend en compte le fait que je collectionne également les objets les plus kitsch et ridicules qui soient, il faut imaginer l’allure de la pièce dans laquelle je vis. Demain j’arrête. Enfin, demain j’y retourne et après demain j’arrête.
(Pere Ubu – Terminal Tower)