Je me demande si la limite existe, finalement. Je me lève à 5 heures du matin pour essayer de bosser sur mes livres de concours, je fais entre 7 et 9 heures de caisse au Monoprix, je sors de moins en moins mais je n’arrive pas à m’endormir avant 2 heures du matin (à moins d’utiliser le lexomyl, en quel cas je ne me réveille plus). Donc je suis sans arrêt épuisée, énervée, débordée. Je ne suis pas encore suffisamment résignée pour être déprimée. D’un côté, il y a cette fatigue lassée qui m’indique que je n’y arriverai jamais, de l’autre, une forme d’autopersuasion qui répète que ce n’est qu’éphémère. Demain, miraculeusement, tu auras progressé, tu sais que tu en es capable. Il y a des moments où j’attend (je n’ai pas encore déterminé quoi), et d’autres où je m’agite frénétiquement. Quel que soit mon comportement, j’ai l’impression d’être aussi efficace que quelqu’un qui essaierait de marcher en bougeant les bras au lieu des jambes… “arrête de brasser de l’air et de papilloner, ça n’impressionne personne, ça agace simplement”, me disait tout le temps mon père, quand j’étais plus jeune. Il avait raison, je m’agace au plus haut point. Et de plus en plus souvent, il y a ce lancinant “on est déjà au mois de mars, c’est presque la fin de l’année” (d’un point de vue scolaire bien sûr). Depuis toujours, je commence à paniquer vers février et mars, c’est l’apothéose en juin, l’espoir revient en octobre. Mais pas cette fois, non parce que je ne compte pas recommencer en octobre. Je ne veux pas être la caissière qui présente un concours l’an prochain, hors de question. C’est pourtant ce qui s’annonce, le mur pourrait bien arrêter de reculer cette fois. Si cette limite est franchie alors… Mais, demain tu auras miraculeusement progressé, tu sais que tu en es capable. (Admets-le, ce n’est qu’une croyance, pas un savoir, tu es coincée là). Je ne sais pas ce dont j’ai le plus peur, franchir la limite, ou m’habituer à cette situation. Comme la Junko de Kairo qui, en entendant sa soeur lui dire qu’elle ne va pas mourir, répond “alors ça va continuer comme ça…”, avant de devenir cendres. Je préfèrerais, moi aussi, m’évaporer par la fenêtre ouverte ; sauf que, par narcissisme ou par masochisme, ça pourrait bien “continuer comme ça”. C’est tellement facile de se mettre en pilotage automatique, assurer le minimum pour ne pas s’écraser, tout en étant fondamentalement inactive. Il suffit de refaire tous les jours exactement la même chose, sans désespoir et sans passion, la routine comme boussole. Soudain, un soir, s’étonner de découvrir des larmes sur ses joues, et se répéter, comme pour s’auto-hyptnotiser, que demain ne sera pas forcément aussi inerte qu’aujourd’hui… Oublier jusqu’au prochain signal d’alerte. Alors oublions. Mais chaque signal est plus intense que le précédent, et leur fréquence s’accèlère.

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