Pendant longtemps, je me sentais coupable de souhaiter leur mort, imaginaire du moins. Savoir si je me sentirais libérée sans eux, ou si je n’étais pas capable de vivre autrement que pour eux… Etre confrontée à leur disparition pour comprendre quel rapport m’unissait à eux. En ce moment, je les vois différemment, de façon cruelle, sans cet espèce de “filtre affectif”… Au lieu d’écouter ce que dit mon père, je remarque sa dégradation physique, comme s’il avait pris dix ans en une nuit. Je sais qu’il n’a pas vieilli prématurément, quelque chose m’empêchait simplement de le voir auparavant. Je pense qu’à sa mort, je regretterais de ne jamais lui avoir parlé d’autres choses que de mes études ou de la météo, oui mais. Au contraire, je me sens coupable d’avoir fait trop de confidences trop rapidement à ma mère, qui en arrive à rêver que je me suicide ou que je meurs d’une overdose. Je vois sa maladie progresser, ses poumons s’intoxiquer, et surtout je constate son enfermement progressif dans un monde étranger à tous ceux qui l’entourent. Pourtant, je n’arrive pas à ne pas être méchante, agressive, voire cruelle avec elle. J’expire ensuite tout l’amour que je lui porte sur des lettres qu’elle ne lira jamais. Est-ma faute ? Est-ce la leur ? L’explication se situe peut-être trop loin dans le passé, un détail ou un tout ? Incompréhension coupable et amère.