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Le questionnaire avec des chiffres dedans

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Il y a 10 ans : J’ai 18 ans, des cheveux noirs très courts, 6 kilos de plus, quelques cernes de moins. Je ne mets que des jeans et des pulls informes pour ne pas être remarquée. Je rêve de m’intégrer aux murs afin de tout entendre, tout voir, sans que personne ne me distingue. Je viens d’arriver à Aix en Provence et de m’inscrire en DEUG de philo. J’ai mon premier appartement (15m2, 6m2 en enlevant les meubles) au septième étage d’une résidence universitaire ; j’envisage régulièrement de sauter par la fenêtre. Dans cette ville, je n’ai pas encore d’amis, ni d’ennemis, ni d’amour, ni d’amant, je m’ennuie, mais je découvre Dostoïevski avec ravissement. J’écris mes derniers poèmes, sauf que je ne le sais pas encore. Je commence à pleurer plusieurs fois par jour, par nuit aussi, sans comprendre pourquoi. Tous les soirs je me répète que demain est un autre jour (en fait demain n’est durablement – sans rechute aux jours d’avant – arrivé que six ans plus tard). J’écoute en boucle “Empty” des Cranberries, “Si rien ne bouge” de Noir Désir, “Bachelorette” de Björk, “Stephanie Says” du Velvet Underground, “Charlotte Sometimes” des Cure, “Me and a Gun” de Tori Amos, et énormément d’albums des Cocteau Twins (entre autres). Je ne fume que très rarement, mais je mange une tablette de Crunch par jour au minimum. Je bois du thé et du Coca Light, je déteste l’alcool. Il y a 10 ans j’étais très différente et très malheureuse.

5 endroits où j’ai vécu : – Ouagadougou : baobab, mangues à volonté, charognards, couvre-feu, assassinat du Président, mendiants, lépreux, sourires resplendissants des Africains, ronronnements des climatiseurs, brousse – hyènes – éléphant – crocodile faisant le mort, visages de mes copines et voisines… Il ne me restes que des flashs, des images brèves et fixes, mais un jour j’y retournerai.

– Mauquenchy : la campagne normande, 1 jument des poules des lapins 1 chèvre ; 1 très vieille voisine qui utilise des mots étranges : bellot, bellote, ka, kien, y-es-tu p’tite mère ? ; de longues ballades en VTT dans des forêts sublimes, cueillette de myrtilles et confiture maison ; les falaises d’Etretat ; le rollers sur la jetée à Dieppe ; des orties sournoises ; des fruits et des légumes du potager, de la pluie ou du gris à peu près tout le temps…

– Londres : un squat, un homme enlevé par des extra-terrestres, des nouilles fluorescentes, des Pubs chaleureux, de la neige, des clubs où il pleut de l’ecstasy dans les toilettes, des nuits floues sous des stroboscopes, des bus qui se suicident en se jetant contre les abris, des gens étranges, de la vodka red-bull, du thé à l’anglaise (noir, un soupçon de lait, une pointe de citron), des tonnes d’amis d’un soir…

– Aix-en-Provence : Je mets toujours en évidence ce que je n’aime pas (ville trop petite en carton, snobisme de la population…), mais notons quand même que j’y ai mes souvenirs les plus intenses en terme d’amitié. Et puis n’oublions pas (dans le désordre) : les gigantesques pizzas du Palatino, les nuits gothiques au Sunset, les Lunch en fin d’après-midi au Pain Quotidien, les bières fraîches sur la Place des Cardeurs, les films indépendants du Mazarin, les glaces (en été) et les crêpes (en hiver) sur le Cours Mirabeau après les cours…

– Lyon : des ponts, des couloirs dissimulés entre les murs, des marches à gravir, une relation “je t’aime… moi non plus” fusionnelle entre un arbre sec et un toit – un coeur brisé, progressivement rafistolé, plus solide que jamais désormais -, l’envie de rester quelque part pour la première fois depuis mon départ de Ouaga.

3 plats que j’adore : Je ne me nourris pas que par besoin physique, j’adore manger. Mes repas font clairement partie de mes bonheurs de la journée, au même titre qu’une très belle musique, un livre magique, un orgasme, et autres plaisirs. Par conséquent, ne choisir que trois plats, c’est me mettre face à un choix insoutenable. Mais bon, puisqu’il faut bien le faire, je vais énumérer les premiers qui me viennent en tête :

– le poulet yassa préparé par ma mère : c’est une recette en provenance de Casamance. C’est divin, la viande et les oignons fondent sur la langue… Bon, pour l’apprécier il faut aimer le citron (l’un de mes fruits préférés, il m’arrive fréquemment d’en grignoter des rondelles.)

– Le figatelli, cuit au barbecue, puis placé en sandwich dans du bon pain (on presse un peu pour que le jus imbibe la mie), grand plaisir estival. De toute façon je pourrais presque me damner pour de la charcuterie corse. A la manière corse aussi : le fromage de chèvre avec un filet d’huile d’olive et des figues (c’est simple et c’est extraordinaire).

– Les hamburgers maison : bon pain (important), bonne viande (important aussi), oignons, mayonnaise, poivrons grillés, une feuille de salade, quelques tomates. C’est gras et mauvais pour la santé, mais c’est rapide à faire et mille fois meilleur que le McDo.

Je pourrais aussi citer : les sushis, la soupe miso, les nems, les aubergines à la parmesane, le gratin de coquilles Saint-Jacque, le saumon à l’oseille, les lasagnes, la soupe de potirons (avec un peu d’emmental c’est mieux), les tapas, les mezze libanais… Etc.

5 choses que j’ai faites aujourd’hui : l’amour, la conversation, une lessive, ma valise, la réservation d’un billet SNCF.

Ce que je ferai si j’étais riche… : Tout dépend de la somme à partir de laquelle on est censé être “riche”. S’il y avait suffisamment de zéros alignés, au point de pouvoir vivre confortablement toute ma vie, je commencerais par arrêter de travailler. Je profiterais de mes journées pour reprendre mes nouvelles ratées ou inachevées, j’irais voir des concerts en semaine sans craindre de ne pas réussir à me lever le lendemain matin, je m’achèterais des tonnes de livres et de disques pour ne jamais en manquer, je m’offrirais des voyages. J’en profiterais aussi pour régler les crédits que ma mère traîne derrière elle depuis plus de vingt ans.

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