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Comme qui danserait devant un aveugle*

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Mascarade
[…] Autocensure : autant le dire en musique.

Tindersticks – (Tonight) Are you trying to fall in love again ?

Lectures
Claude Amoz – Racines Amères : Ces nouvelles sont inégales. Aucune n’est vraiment mauvaise mais je n’en ai réellement adoré que 4 (sur 11), même si je les ai toutes lues avec plaisir. Claude Amoz a un regard humaniste qui nous fait aimer ses personnages, y compris le criminel ou l’employé consciencieux aussi étriqué dans son existence que dans son costard. Malgré tout, les stéréotypes et les clichés ne sont pas absents… Et puis “Les jumelles” aurait été une excellente nouvelle avec une page de moins, parce que décidément non : le même scénario ne peut pas se reproduire à l’identique 40 ans après, si seulement il avait laissé plus de place à l’imaginaire du lecteur… Néanmoins, cet écrivain maîtrise parfaitement les chutes. La fin est aussi tragique qu’imprévisible, et elle peut suffir à faire aimer la nouvelle. A chaque fois, y compris dans les quelques histoires qui m’ont lassée, le dernier goût était suprenant, voire choquant. Mes nouvelles préférées ont un scénario commun : un secret passé ou un traumatisme enfoui empêche le personnage d’être heureux au présent. Elles se terminent très mal.

Taos Amrouche – Le grain magique : merveilleux, ensorcelant. Il s’agit d’un recueil de contes, de poèmes et de proverbes berbères de Kabylie. Si je connaissais mieux l’univers kabyle, j’en parlerais bien volontiers, mais je me contenterais de recommander ce livre, et sans doute de l’offrir autour de moi, car c’est beau à lire tout en donnant à réfléchir. Je recopie quelques-uns de mes proverbes favoris :

* L’escargot était libre Et il s’est encombré d’une coquille
* La bouteille s’est brisée Mais l’huile est restée suspendue !
* L’arbre suit sa racine
* S’inquiéter des racines du brouillard !
* Qui se blesse soi-même ne se manque jamais
* Il vaut mieux que tu dormes avec l’inquiétude qu’avec le regret
* Les blessures se creusent et guérissent, les injures creusent et creusent encore
* N’enlève pas la croute à une plaie !

Arthur Miller – La fin du film : Arthur Miller n’a pas besoin de le préciser puisque c’est évident : le film en question s’intitule les Misfits, mon film favori, celui dont je connais toutes les répliques par coeur après l’avoir vu 20, 30 peut-être 50 fois. Film à l’origine de ma passion pour Marilyn, laquelle a été mon idole pendant mes années adolescentes. Et si, en vieillissant, j’ai cessé de collectionner livres, photos et cartes postales en rapport avec elle, je reste émue par la star. Donc je ne pouvais pas ne pas lire ce livre, dans lequel il n’est question que de Kitty aka Marilyn. Marilyn-Kitty dépressive, droguée aux médicaments, capricieuse, à la dérive malgré les efforts de son mari, du réalisateur, du metteur en scène, du coach et même de ses amis extérieurs appelés en renforts. Marilyn-Kitty se sent détestée, méprisée, et ne sait plus qui elle est. Marilyn-Kitty “marche sur du verre pilé depuis son enfance”, est la “rescapée de tous les naufrages”, déçue par “son mari, ses amis, Hollywood, New York et le monde entier”, alors qu’elle a encore “une peau, un cul qui font étinceler la caméra” et des talents de comédienne indubitables. Arthur Miller en profite pour fustiger les analystes de Marilyn, le milieu du cinéma et les medias. Mais d’une façon très touchante, il montre également son amour pour elle et son incapacité à l’aider. John Huston Oschner reproche à Marilyn-Kitty d’avoir détruit son film… Pourtant le regard trouble et les égarements de Marilyn rendent le film juste et émouvant. Marilyn est au centre du livre mais elle ne s’exprime jamais, nous ne pouvons que deviner ses phrases grâce aux réponses de ses interlocuteurs. Dans la pénombre d’une chambre à peine entrouverte, dans une salle de bains fermée à clé, elle reste physiquement absente de cette pièce de théâtre, isolée, comme elle l’est dans le film et dans sa propre vie. Elle n’apparaît que deux fois sur la scène : nue sans savoir où elle est ; cachée derrière des lunettes et un foulard juste avant de s’effondrer. Bref, ce livre est fait pour les amoureux de Marilyn Monroe. Si le film et l’actrice vous indiffèrent, la pièce de théâtre ne présente absolument aucun intérêt. Mais est-il réellement possible de ne rien éprouver pour Marilyn, même pas une once de curiosité ?

* proverbe kabyle

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