Assise sur un coussin, adossée au mur humide, je chantonne et j’entends l’écho. Mon salon ressemble à une scène de théâtre, il y a un faux réalisme : des coussins sans chaise ni canapé, un lecteur DVD sans télévision, une chaîne sans haut-parleur… Le plus absurde étant les photos sur les murs. Des affiches dans une pièce vide, c’est aussi chaleureux que les publicités dans les stations de métro. J’ai l’impression qu’il y a une fenêtre derrière moi, alors qu’il n’y en a jamais eu. Le soir, tout devient plus étrange encore, une lumière blanchâtre dessine des contours anormaux et impersonnels sur le sol et sur le plafond. J’essaie de freiner mon imagination qui m’entraîne au coeur de contes fantastiques. Je perds mes repères. Pourtant, j’ai envie d’y rester encore, comme si je pouvais continuer à m’imprégner de l’endroit malgré tout. J’attends – que les esprits m’enlèvent et que les murs m’absorbent – l’heure de partir définitivement d’ici. Quand il entre, je dis sur un ton d’excuse : “c’est un peu glauque, tout vide comme ça”. Il répond : “non, l’air entre mieux. Tu ne le sens pas ? Toutes les mauvaises choses qui se sont passées ici disparaissent. L’air est… comme dire, plus pur ?” L’angoisse se dissipe légèrement. Installée contre lui sur la fenêtre, je sens la chaleur de sa main sur mon bras, je pense qu’il y aura toujours “du quelqu’un ou du quelque chose, des substances vitales”, malgré “eux”. Dans ma tête, l’image de maison hantée laisse la place à la vision d’une âme jetant toute la lourdeur dans le fleuve avant de partir, vers d’autres sphères… La conversation prend un autre tournant, presque imperceptiblement. “Tu sais, j’ai pointé pour la dernière fois au Monoprix hier, cette fois c’est vraiment fini”. “J’ai peut-être trouvé un appart à Lyon, en centre-ville, pas cher, il a l’air bien”. “La-bas, je…” Tout doucement, je parviens à m’éloigner. (je lis : Dave McKean – Cages, je regarde : Lain, j’écoute : TV on the radio)