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Je veux repousser mon dernier texte loin de cette page, mais je suis trop fatiguée pour détailler ma semaine ou ma journée, donc je fais du remplissage avec une rencontre.

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Chaque été, nous recevons des personnes âgées à la bibliothèque. Elles sont souvent revêtues de tenues raides… En fait je crois que leur corps est tellement sec et décharné que leurs vêtements prennent la même forme. Souvent courbées – parfois à 90 degrés – elles déambulent dans le parc et dans les couloirs, plus ou moins au hasard. Certaines marmonnent constamment sans m’adresser la parole, sans même me voir je crois ; d’autres ne savent plus trouver la sortie de la bibliothèque tout en n’osant pas me demander de l’aide (si je me manifeste sans leur consentement pour les orienter, elles rétorquent “je sais !” sur un ton outré non sans continuer à tâtonner)… Et puis il y a celles – lucides ou non – qui viennent me raconter leur vie, tout en répétant régulièrement “je ne vais pas vous déranger plus longtemps” entre deux phrases, sans me laisser le temps de répliquer.

La vieille dame que j’ai vue ce matin appartient à cette dernière catégorie. Le personnel moqueur l’appelle “la sorcière”, à cause de ses longs cheveux ébouriffés. En réalité, son regard doux, liquide, ne s’accorde pas avec ce surnom. Elle voulait emprunter des revues pour les amener dans sa chambre (deux étages plus hauts) alors que normalement celles-ci ne doivent pas sortir de la bibliothèque. Je lui ai dit : “je peux faire une exception puisque vous habitez au dessus, mais il y a des fauteuils là, pourquoi est-ce que vous ne voulez pas les lire dans la bibliothèque ?” Gênée, d’une voix tremblante, elle m’a expliqué : “quand j’étais jeune, je lisais beaucoup de livres, des gros livres. Maintenant je ne peux plus, mon cerveau est trop fatigué… Il me faut des images comme les enfants, c’est pour ça que je ne peux rien lire d’autres que des revues. Quand je suis ici, toutes ces étagères avec tous ces livres, ça m’écrase… C’est comme une voix qui me dirait “tu n’as plus de cervelle ! T’es vieille !”, ça fait mal vous comprenez… Oh ça rend humble, c’est sûr, mais… ça m’écrase”. Elle était réellement touchante.

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