That’s right: you’re in the land of the living but there’s so few signs of life. Alright. Breathe in. Breathe out. Breathe out
Catégories Non classéPulp – This is HadcoreJ’entre dans une toute petite salle dans laquelle sont projetées des photos. Je suis stupéfaite de voir des photos de nous deux prises en Irlande, mais ce ne sont pas celles dont je dispose. Pourtant, toutes les scènes photographiées je les ai vécues, je m’en rappelle douloureusement en les voyant. Il n’y manque rien, enfin si : je n’ai pas de bouche dessus. Un visage sans bouche. Dans le lot il y a une photo d’une inconnue. Plus précisément, j’ai l’impression de l’avoir déjà vue sans la connaître. A la fin de la projection, elle vient me demander pourquoi sa photo était au milieu de “ma série” et je lui explique que je n’en sais rien, puisque de toutes façons ces photos ne m’appartiennent pas. Je suis perplexe tout au long du rêve, comme si chaque élément m’était aussi familier qu’inconnu. Une psy m’a dit un jour “toutes les clés n’ouvrent pas les mêmes serrures”, cette phrase a retenti plusieurs fois dans ma tête depuis, comme une malédiction… Elle résonne encore lorsque j’ouvre les yeux. Le réveil affiche un 0 : 00 assez suspect, il y a dû y avoir une panne de courant. Ma montre me renseigne : 23 h 35. Je me suis endormie en fin d’après-midi, toute habillée avec un livre à la main. J’avais seulement prévu de somnoler une demi-heure, il me semble. […] Je rampe mollement jusqu’à la fenêtre située derrière mon lit, elle est protégée par des rideaux épais. Entre la fenêtre et les rideaux, l’espace est très large. On peut s’y asseoir confortablement sans être vue si les rideaux sont fermés. Le jour de mon arrivée, j’étais contente en découvrant cette cachette, j’ai remarqué ce détail comme quelque chose qui peut servir : derrière les rideaux, personne ne peut me voir. Ensuite je me suis demandée quel était donc l’intérêt de pouvoir se cacher dans son propre appartement… J’ai de stupides réflexes enfantins de temps en temps. Je me roule une cigarette, assise sur le rebord. La température est toujours aussi douce mais l’air extérieur me sort un peu de ma torpeur malgré tout. Il n’y ni lune, ni étoile sous mes yeux. La madone éclairée entourée de pots de fleurs, posée sur le balcon d’en face, m’observe. En fait non, elle regarde vers le sol puisqu’elle est éplorée, à l’image de toutes les madones, mais à chaque fois que je m’approche de cette fenêtre mon regard se tourne vers elle, comme si je me sentais épiée. Je balaie du regard tout ce qui m’entoure : les marches et les rues sont désertes, des bruits de rire et des “joyeux anniversaire” me parviennent de loin, très atténués. Un jour, quelques personnes fumant à la fenêtre m’avait proposé de monter me joindre à leur fête d’anniversaire, j’avais accepté. Mais je ne me souviens que des contours de leurs visages et d’un escalier étroit, le reste de la nuit s’est évaporé de ma mémoire avec les années, quelque part dans l’angle mort. Ce soir je serais contente d’être invitée à entrer quelque part. Ca n’arrivera pas.
Mes pensées s’enchaînent analogiquement. Une image d’elle et moi assises sur le canapé du salon, j’étais dans un ce ces moments où ça arrache la bouche de parler, de bouger, de déplacer de l’air vainement. Les genoux repliés sous le menton, j’étais découragée par la journée vide qui s’annonçait. Elle a commencé par essayer de me remonter le moral, sans succès. J’étais décidée à ne pas m’amuser. Bouder est un talent enfantin que je maîtrise encore à la perfection, je sais me changer en pierre. Je restais silencieuse, le regard obstinément fixé sur le carrelage, de la peinture noire épaisse plein les yeux. Aujourd’hui serait une journée déprimante, un point c’est tout. Progressivement, elle s’est décomposée. Les larmes que je ne réussissais pas à verser sont apparues sur ses joues. Elle s’est levée sans dire un mot pour aller s’enfermer dans sa chambre. Je lui avais transmis ma déprime. Et même si c’est lamentable, je dois le reconnaître : je me sentais moins triste. Mais coupable. J’ai maladroitement arrangé le maquillage de la veille, lacé mes docs, et je suis sortie sous le soleil aixois pour lui offrir quelque chose, en priant pour ne croiser personne. En sortant du magasin de jouets, un ami, enfin une connaissance plutôt, m’a apostrophé. Non, pas le temps de boire un verre, je veux lui amener son cadeau tout de suite. Il a insisté alors nous sommes allées sur la Place Richelme, dans un bar. Il y avait trop de monde. Je buvais ma bière et je voulais rentrer. Il n’arrêtait pas de parler. Je ne pouvais pas vraiment l’entendre, parce qu’en superposition devant son visage, je la voyais elle toute seule dans l’appartement, et ses sanglots à elles brouillaient sa voix à lui. Je ne pouvais pas chasser cette image, j’avais l’intuition violente qu’il fallait que je rentre. Je regardais la pendule au dessus de sa tête : encore quelques minutes et je déguerpirai. A l’instant où la grande aiguille s’est placée sur le 5, je me suis levée d’un bond : il faut que j’y aille, oui on s’appelle à plus bye.
En entrant dans l’appartement, je l’ai appelé, personne n’a répondu. J’ai frappé à la porte de sa chambre avant d’ouvrir, celle-ci était vide. Pourtant Kirlian Camera jouait dans son ordinateur, son sac était posé sur la chaise, elle était forcément là. Je paniquais en répétant “mais où tu es ?”. Cette sensation d’une pièce à la fois vide et habitée me prenait à la gorge. Finalement, alors que j’étais immobile, désemparée au milieu de sa chambre, j’ai distingué un sanglot en provenance du placard. Je l’ai ouvert précautionneusement, elle était recroquevillée tout au fond entre ses vêtements, sa peluche à la main, comme une toute petite fille. Il y a un truc qui s’est passé dans mon cœur à cet instant là, je ne saurais pas le décrire mais je l’ai senti. L’expression “cœur serré” ne convient pas, je ne sais pas comment on se sent avec un cœur serré, le mien il s’est agrandi et liquéfié, je crois… Une protection qui se perce, un pont qui s’écroule, un barrage qui explose… Quelque chose comme ça. Je l’ai tirée par la main “non mais sors de là, allez”, et puis “j’ai quelque chose pour toi, et ce soir je t’offre un resto, ou une pizza en regardant un bon film, tu vas voir ça va aller bien”.
A cet instant là, il ne restait plus rien de nos disputes des jours précédents, des rancœurs, mon affection pour elle était d’une pureté absolue… En y repensant, je réalise que je prends toujours conscience de mes sentiments dans les situations limites, comme s’il me fallait nécessairement passer par la peur de perdre l’autre pour me sentir attachée à lui… “On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va” disait l’autre, c’est un peu la même chose. Pourtant en ce moment, je ne m’attache à rien alors que tout file entre mes doigts…
En expirant la fumée vers le ciel, je repense à ce “on en parle, on discute de votre cas”. J’avais prévu le oui ou le non catégorique, mais je n’y croyais pas trop car je savais qu’ils hésitaient à me garder. Je connais leurs raisons, il y a du pour et du contre dans la balance. Néanmoins je m’étais dit qu’au ton de la voix, à l’expression du visage, je pourrais me faire une petite idée de mon avenir… Je n’ai pas réussi, cet homme était parfaitement impassible, impénétrable. Il a ajouté “quelqu’un va passer vous parler”, personne n’est venu. Dans 48 jours, soit je serais en CDI, soit je serais au chômage. Si la seconde possibilité l’emporte, je ne pourrais pas prétendre que je ne m’y attendais pas. J’avais la possibilité de chercher un autre travail au cas où, c’est certain. J’y ai pensé, oui. Je n’ai pas agi.
Il y a quelques années, un vendredi, je sortais d’une bibliothèque, lessivée par une après-midi passée à travailler sur Kant en vue d’un examen, j’étais un peu étourdie par tous les concepts qui tournaient dans ma tête. J’ai senti que quelqu’un me suivait. Comme souvent, une chanson m’a révélé mes sentiments, j’avais “I’ve been followed home” de Pulp dans la tête. Je me suis demandée pourquoi j’y pensais à ce moment là, et j’ai entendu des pas derrière les miens. Me suspectant de paranoïa, j’ai fait des détours, le mystérieux individu continuait à me suivre. Je n’arrivais pas à me retourner, j’en crevais d’envie et je m’en sentais incapable. Ses pas sont devenus de plus en plus proches, pourtant je n’accélérais pas, j’essayais de me persuader que non, je ne sentais pas son regard posé sur moi, je devais me créer des angoisses toutes seules à cause de la fatigue. Quand j’ai ouvert la porte de mon immeuble, je commençais à sentir l’odeur de sa sueur. J’ai refermé la porte sur lui, entendu un juron quand elle l’a heurté. En arrivant dans l’appartement, je me suis précipitée vers la fenêtre. Il était en dessous, le garçon inconnu que j’avais aperçu dans la bibliothèque pendant que je travaillais. Il a essayé plusieurs digicodes avant de renoncer. Je l’ai vu cracher par terre, puis repartir d’où il venait. J’ai souvent ce comportement avec le danger, je le sens se rapprocher de moi et je ne fais rien, ni pour l’éviter, ni pour le contrer. Je reste inerte tant qu’il n’est pas sur moi, à ce moment là seulement je réagis… Enfin la plupart du temps du moins. Mais l’angoisse est présente, quoi qu’il en soit…
J’éteins ma énième roulée au goût infâme, boit la dernière goutte de la bouteille de cognac que Le Laxatif avait acheté l’an dernier. Je n’aime ni les cigarettes roulées ni le cognac, mais l’un détend et l’autre endort, à chacun ses remèdes. Il n’y a plus aucun son dans les rues. La madone restera allumée jusqu’au petit matin et à l’aube, une vieille dame viendra arroser les fleurs qui l’entourent. J’espère, sans y croire, qu’à ce moment là je dormirais. J’aimerais bien dormir pendant les 50 prochains jours, à dire vrai. A défaut de mieux, de toute façon, je continuerai à fermer les yeux…
[clip : This is hadcore de Pulp, sans rapport, juste pour le plaisir (inépuisable)]