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He said you aren’t never going anywhere, I ain’t never goin’ anywhere

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Il y a des flocons blancs légers, vaporeux, comme la neige quand elle est encore tellement proche de la pluie qu’elle en devient mousseuse, celle qui fond instantanément en touchant le sol, sans heurt perceptible, avec plus de délicatesse qu’une bulle de savon. On dirait du pollen mais, les saisons ont beau être déréglées, cette hypothèse n’est pas crédible. Si je pouvais les toucher, je serais sans doute plus avancée… Enfin au bout du compte ça m’est égal. J’ai surtout envie de laisser entrer plus de lumière à travers les stores, d’avantage d’espace blanc lumineux, ce qu’ils appellent un “ciel couvert”, je ne les ai jamais compris. Je me sens couverte par le ciel quand il est infiniment bleu, ou alors bas et lourd comme dans le poème de Baudelaire, celui qui tend vers le gris-noir souvent accompagné de bourrasques ; en blanc cassé, j’ai au contraire l’impression de mieux respirer. Sous les ciels bleus provençaux, dans les rafales du mistral, là je me sens réellement étouffée sous cette couleur uniforme. Les gens qui me demandent d’où je viens, sitôt ma réponse donnée, s’exclament “ce doit être difficile le climat lyonnais quand on a connu le Sud”. Maintenant je réponds les banalités qu’ils attendent parce que de toute façon, ils ne me croient pas, je passe pour une pseudo-romantique si je dis la vérité. Ils ne peuvent pas s’immiscer dans mon corps et revivre ces matinées aixoises, quand j’ouvrais les volets pour constater, dépitée : “il fait encore beau”. La même déception se reproduisait chaque matin comme si je ne pouvais pas m’empêcher d’espérer ne serait-ce qu’un soupçon de pâleur dans le turquoise. “Il n’y a pas de soleil là, alors est-ce que la lumières serait vraiment dangereuse pour les livres ?” “Dans la lumière, il y a des rayons UV…”, il continue à me répondre mais je n’écoute pas la suite. Pourquoi est-ce que je ne pose que des questions dont j’ai déjà la réponse ? Les autres mettent des mois à devenir sonores, quand elles le deviennent évidemment…

Il n’y avait plus de flocons mystérieux lorsque je suis sortie, mais juste un peu de pluie, trop doucement fine pour être gênante. Sur ce trajet que je pourrais effectuer les yeux fermés, je visualise une rencontre conditionnelle. Les regards seraient légèrement fuyants et la voix hésitante, je me cramponnerais sans doute à mon verre, je le boirais probablement trop vite pour éviter de tirer fort sur ma cigarette. Nous serions mal à l’aise, nécessairement, un peu comme quand on rencontre quelqu’un pour la première fois (paradoxalement), mais pas tout à fait, parce qu’il y aurait moins de battements cardiaques et plus d’inquiétude. Je n’aurais pas envie d’être là, au début du moins, et puis…. Non, malgré tous mes efforts, je n’arrive pas à prévoir la suite. Ma capacité à nous imaginer face à face s’arrête au début, introduction et problématique, aucune annonce de plan, encore moins un développement, quant aux conclusions je n’ai jamais su les faire correctement de toute façon. Ma haine passée semble avoir été extériorisée, aspirée loin de moi, mais… Et si elle renaissait ? Je crains qu’elle n’ait le même fonctionnement que ce virus qui avait infecté mon ordinateur : la contamination ne se répandait qu’en ouvrant un seul programme, le reste du temps tout était sain. Malheureusement, je ne savais pas dans quel programme se situait la bombe à retardement. Peut-être qu’il suffirait d’un mot, d’une allusion, d’un ton de voix, de presque rien pour la réveiller, juste un ressort et alors fuseraient les paroles acides, la violence. Même si je n’en ai pas envie, même si je n’aime pas ça, je suis une impulsive, moi-même je ne peux prédire mes comportements. A cause de ces raisons et de bien d’autres encore, ces retrouvailles n’auront sans doute pas lieu. A cause de ces raisons et de bien d’autres encore, je n’ai pas réellement envie qu’elles aient lieu. Mais alors pourquoi est-ce que je les imagine aussi souvent ?

Dans le bus, je pourrais m’endormir, d’ailleurs j’en ai envie mais la dernière fois j’ai raté ma station. C’est un acte manqué difficile à réaliser puisque je descend au terminus. Le chauffeur ne m’avait simplement pas vue, il affirmait avoir vérifié que le bus était vide avant de redémarrer. “Alors peut-être que je me suis dématérialisée pendant quelques instants, allez savoir, on vit dans un monde tellement bizarre”. Il m’avait prise au sérieux. Les gens me prennent toujours au sérieux quoi que je dise. A croire que je pourrais leur faire gober n’importe quoi, pourtant c’est toujours moi qu’ils manipulent… Je leur tends les ficelles avec un regard candide, jusqu’à ce qu’ils soient fatigués de jouer au point de les couper d’eux-mêmes. Dans le fond ou plutôt juste avant le fond je dois aimer être une marionnette. Malgré moi. J’ai annulé la commande puisque par chance elle était encore différée, non mais pourquoi est-ce que j’ai eu l’intention d’offrir un cadeau d’anniversaire à mon ex ? Je ne comprends pas moi-même mon geste. C’est peut-être difficile de connaître une date d’anniversaire, de savoir ce qui ferait plaisir à l’intéressé, et de l’ignorer. Même quand il n’est plus qu’une absence, grossièrement comblée par tous les disques les livres et les corps imaginables, les petits bouts d’autrui restent coincés comme des fils glissés entre les nerfs, à l’endroit où il se situait auparavant : dans la peau.

Tu sais, au risque de t’énerver, je me demande parfois si je ne préférais pas l’époque où je n’étais même plus consciente que je possédais un corps qui nécessitait d’être nourri et soigné ; quand je comblais mon incapacité à aimer et à m’attacher par des substituts chimique ; quand je ne me rendais pas compte que je crevais à petit feu bien paisiblement sans me rebeller. “Tu veux que je te rappelle tes malaises à répétition, tes crises de larmes et tes insomnies quotidiennes ? Comment on pouvait te croiser au milieu de la nuit errant dans les rues juste pour fuir ?” Non, seulement tu comprends, maintenant je n’ai plus de carence, fruits légumes fer sommeil être en forme métro boulot salaire tout ça, mais dans mon cocon je m’ennuie […] Avant de le connaître, j’ignorais à quel point j’en avais besoin, je ne recherchais que le désir dans mes yeux et dans les leurs, je me croyais même égocentrique alors que j’ai poussé l’altruisme à son paroxysme, j’étais malade et pourtant je me sentais invincible. Maintenant il me manque, pas lui en particulier mais juste l’Autre, l’étincelle… En fait je ne sais plus vivre en étant axée sur mon nombril.

[Electrelane – Gone under sea]

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