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When the light from above is equal to the light from below, there is absence of shadow, the horizon fades to invisibility and only very dark objects can be discerned. [Où une note pathético-dépressivo-chiante]

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A proximité de moi, un couple roucoule en buvant du vin chaud sur un pont. Ces amoureux me donnent mal au cœur. Je me rappelle, environ trois cent soixante jours avant, le vin chaud trop épicé brûlait ma gorge, ma main était nichée dans la tienne au bord de ce fleuve. Les gens, les voix, les enfants et les vapeurs alcoolisées m’étourdissaient. Tu venais de m’aider à déménager. Tu voyais cet appartement pour la première fois et tu le détestais déjà, contrairement à moi. Je le trouvais trop petit mais agréable parce que c’était avant les cris, la tâche par terre, le bol brisé, tes “qu’est-ce qu’on fait ?”, les promesses arrachées sous la contrainte, et mes doigts croisés pendant mes insomnies… A ce moment là, j’étais persuadée que nous y serions très bien, tous les deux. D’ailleurs, j’étais certaine d’être bien n’importe où si tu y étais aussi… Deux déménagements en moins d’un an c’est suffisant. Maintenant j’aimerais vraiment me poser quelque part durablement, défaire mes valises et en jeter certaines éventuellement, m’installer voire m’enraciner sereinement. Ne pas retrouver dans mes murs ta violence et nos échecs…
“Tu as encore maigri, non ?” Non, mais je n’ai pas grossi, pourtant je n’arrête pas de manger et la balance ne varie pas. A croire que je dépense des milliers de calories par jour en nervosité. Inquiète et agitée, je calcule tout ce qu’il me reste à faire avant de partir et le nombre de jours me séparant de la fin de mon CDD. Le matin, je vérifie qu’Il ne s’est pas subrepticement enfui pendant mon sommeil. Envahie par les doutes, je traque les mensonges… Je rame comme si je devais traverser les chutes du Niagara alors qu’il n’y a peut-être que du béton sous mon minuscule canoë. Je m’épuise à déjouer des menaces avant mêmes qu’elles n’apparaissent à l’horizon. J’ai beau raisonner calmement et en arriver à conclure qu’elles sont imaginaires, je reste superstitieuse. Samedi, une amie me confiait : “dans mon sac il y a un chapelet offert par ma mère, je ne suis pas croyante mais je n’arrive pas à l’enlever de mon sac, et si je change de sac je le déplace”. Je porte mes craintes de la même manière, comme s’il suffisait que je les oublie pour les voir se réaliser. Je pleure quand on me dit “je t’aime” ou n’importe quoi de gentil d’ailleurs. Le moindre compliment me transforme en fontaine ambulante parce que je ne fais plus confiance à ceux qui les prononcent. Et puis j’ai l’impression de ne pas les mériter de toute façon.
J’entends mon dentiste m’affirmer “il n’y a aucun problème du côté gauche, je ne vois rien et sur la radio tout va très bien”. Mais pourtant ça me fait très mal. “Je ne sais pas quoi vous dire, je ne peux pas soigner des dents saines”. Au travail, on m’affirme que mon passage en CDI est évident, on est satisfait de moi et on a besoin de mon poste alors pourquoi embaucher quelqu’un d’autre… Oui mais quand j’analyse la situation à la loupe, je vois très précisément toutes les raisons pour lesquels je pourrais me retrouver sans emploi dans trois mois. Sur un ton suppliant, il me demande : “qu’est-ce que je peux faire pour que tu me crois ?” Je pense tristement : rien, quoi que tu fasses, je n’y croirais pas. J’aimerais mais…
C’est très étrange de s’entendre dire que rien ne justifie une douleur qui semble pourtant viscérale, de vouloir être guérie sans être malade, de voir venir l’orage quand le reste de la population vous montre un ciel dégagé. Etrange et énervant, à avoir envie de se balancer quelques claques [car au moins tu auras une raison concrète d’avoir mal, ça t’éclaircirait peut-être les idées].
Je voudrais seulement me poser durablement quelque part, sans craindre que l’épaule sur laquelle je m’appuie ne se dérobe brutalement, sans repousser les projets pour ralentir les jours, sans l’envie d’être seule par peur de l’abandon, sans l’angoisse de décevoir autant que d’être déçue, sans ces paradoxes aliénants. Parfois j’ai peur de détruire moi-même le sol sous mes pieds à force d’en vérifier la stabilité, car comment peut-on construire quoi que ce soit en ébranlant sans cesse les fondations ? J’aimerais croire que je peux me poser durablement quelque part, je voudrais en être persuadée… comme je l’étais l’an dernier.

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