Un malaise à l’Ecole, je m’écrase tombe sur la moquette pâle. Je ne suis pas sure que ce corps m’appartienne. Il marche, s’assoit, se déplace le long des couloirs, d’une salle à l’autre, d’un ordinateur à l’autre, d’une machine à café à un distributeur de sucreries. Les doigts tapent machinalement sur le clavier mécaniquement pendant que mon cerveau s’endort. Même lorsque je parle, je ne me sens pas propriétaire de mes phrases. Fatigue, chaleur du soleil contre les vitres, les heures identiques… Assommée. Des phrases décousues et des clichés flous passent dans ma tête, je ne les effleure qu’à peine. La chaleur tape sur mes paupières fermées. L’une des rares personnes que j’apprécie ici me dit : ” je supporte pas cette mentalité de merde “. Moi non plus mais chut, j’veux pas y penser. J’entends une autre fille stresser à proximité : ” et je dois encore faire… et je suis en retard sur… et j’arriverais jamais à … et tu as vu l’emploi de temps de fou pour la première semaine d’avril ? Et on va retrouver ce prof là… et aussi celui-là… et il y a les révisions de… et aussi celles de… comment je vais trouver le temps de réviser ça en plus du reste ? ! ” s’exclame-t-elle la voix tremblante. Tais-toi je t’en prie, je ne veux pas entendre ça, ni te voir pleurer, ni te dire de relativiser, ni etc. parce qu’en miroir c’est mes propres angoisses que tu fais remonter, je les sens dans chaque pore de ma peau et sous mes cils. Si tu craques maintenant ce sera l’inondation lacrymale sur mes joues. S’éloigner, écouteurs dans les oreilles, ” play “. Je veux de l’ennui, du vide, des minutes qui durent des heures, mes paupières fermées, mon corps détendu, le chat dont les ronronnements vibrent sur mon ventre, une sorte de somnolence… C’est l’un des moments que je préfère : les secondes qui précèdent le sommeil. Et puis aussi avoir le temps de voir les personnes auxquels je tiens et que je laisse s’éloigner par pure fatigue. Pas la force de courir derrière les amis trop loin, les projets trop lourds… Je veux crier ” pouce ! ” et que tout s’immobilise autour de moi. Bientôt, bientôt, bientôt, après, plus tard, dans pas longtemps, très vite, encore un dernier effort, accroche-toi, ça finira bien par s’arrêter un jour, forcément, bientôt, bientôt, bientôt… Mais en attendant, heureusement, il y a la musique. Quand elle m’envahit, la langueur s’étend, je n’entend plus mon cœur s’acharner contre mes tempes et je parviens enfin à me laisser aller. Comme toi l’an dernier, quand tu voyais le stress monter à travers mon regard et dans le rythme saccadé crescendo de mes pieds sur le carrelage, tu posais ta main sur la mienne et ça suffisait… Tu me manques, vous me manquez. Lady my sweet lady, levitate me…