” Il est impératif de prendre le médicament immédiatement avant le coucher et de vous mettre dans les conditions les plus favorables pour une durée de sommeil, afin d’éviter les effets suivant : troubles de la conscience, réactions paradoxales de type psychiatrique, hallucinations “. J’évite de lire les effets secondaires parce que je suis plutôt hypocondriaque. Alors la première fois, je ne savais pas. Tout a commencé avec Jarvis Cocker, il s’est mis à se multiplier, sortant littéralement de son affiche sur la porte. J’avais plusieurs Jarvis qui s’entremêlaient. Ensuite j’ai remarqué que la couleur rouge de la couette était légèrement au dessus de celle-ci, entre les deux couraient des filaments orangés et rosés. J’étais émerveillée. Le chat était entouré d’une longue aura bleutée très seyante. En regardant par la fenêtre, j’ai vu des minuscules petites fées ailées qui flottaient au dessus de la rue. La poignée de la porte dansait, ondulant avec son ombre. C’était tellement joli que je n’avais plus envie de m’allonger. Dans la musique aussi, il y avait des notes qui n’existaient pas. En plein trip, je détaillais tout ce surnaturel autour de moi. Et puis j’ai plongé dans un rêve où tout s’est confondu.
Le lendemain, je me suis décidée à lire le mode d’emploi et j’ai compris. Pourtant, je n’arrive pas à fermer les yeux après avoir pris le cachet, parce que les hallucinations sont toujours différentes. Parfois des fruits palpitent, à d’autre moment le plafond se transforme en escaliers de marbre, ils sont tellement jolis tous ces délires. Quand j’étais petite, je pensais que j’étais filmée, tout le temps. Je me sentais coupable dés que je faisais quelque chose d’interdit à cause de ce regard posé sur moi en permanence. Après j’ai compris que la culpabilité, la vraie, provenait de l’intérieur, la caméra imaginaire n’étant qu’une projection. Heureusement, parce que j’imagine l’allure que je dois avoir le soir, assise sur mon lit, les yeux grands ouverts, à fixer mes rêves avec une expression concentrée, les yeux brûlants de sommeil. J’aime passionnément les états secondaires, qu’ils annoncent un évanouissement, une fièvre ou le sommeil, mais j’essaie toujours de les arrêter juste avant les complications. Rester dans le brouillard d’irréalité, sans pour autant oublier que toutes mes perceptions ne sont pas vraies. Frôler la folie de justesse et la narguer, jouer avec la raison… ” Attention, pas plus de 14 jours les somnifères, il s’agit seulement de réguler votre cycle “. C’est là que se situe le piège, je n’ai déjà plus envie d’arrêter ce nouveau rituel. Un jour, j’espère que je me désintoxiquerai trouverai la lucidité aussi merveilleuse que mon imaginaire.