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Dedicated to my dear Violaine (aka Immature)

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Quand je suis arrivée à Aix, en première année de philo, j’étais dans la période la plus sombre de ma vie. J’aurais voulu rester en Normandie, vivre avec mon petit ami, et aller à la fac à Rouen, pendant que mes parents resteraient dans le sud. C’était prévu ainsi de longue date, je ne voyais pas mon avenir autrement. Larguée pour une raison jamais élucidée, j’ai été forcée de déménager et de quitter mes amis. J’avais la phobie des déménagements, j’ai été trop souvent ballotée d’un pays à un autre pendant toute mon enfance. Malgré tout, j’idéalisais la vie de l’étudiante (avoir son propre appart et tout ce qui s’ensuit), j’y voyais une plus grande liberté. Assez rapidement, j’ai compris que le seul avantage réel d’un studio de 15 m2 en résidence universitaire c’est la proximité entre le lit, la cuisine et le bureau. Il devient inutile de bouger, on peut tout faire en restant à la même place de la pièce.
La première fois que j’ai vu Violaine / Immature, c’était devant une salle préfabriquée. Nous étions les deux seules à être arrivé 2 heure avant le cours, les deux plus stressées de la classe. Elle était assise sur les marches, son livre de philo à la main. J’ai instantanément remarqué son marque-page : une carte postale de Björk. Sans la connaître, j’avais donc déjà une immense sympathie pour elle. Je me souviens du jour où elle est arrivée avec les cheveux verts, toute la section la regardait en rigolant, moi je trouvais ça génial, avant de savoir que ce n’était pas totalement volontaire. Je n’arrivais pas vraiment à m’approcher d’elle, je l’admirais à distance. Elle me faisait un peu peur je crois, parce que je l’imaginais agressive et intransigeante, tant elle dissimulait sa fragilité derrière un regard noir farouche et une voix forte et décidée. Elle posait des questions aux profs, parfois de véritables provocations, ses connaissances émanaient de chacune de ses interventions, elle ne parlait jamais pour ne rien dire. Elle frappait du poing sur la table lorsque quelqu’un la contredisait. C’est elle qui a fait le premier pas vers moi pour me parler de musique, assez évidemment. Petit à petit, je l’ai découverte, sa personnalité complexe, émouvante, et attachante.
A cette époque, je n’osais pas parler, ni même me montrer. Planquée derrière un jean, des pulls xl et mes docs, je ne m’habillais qu’en gris et en noir, j’essayais d’être le plus invisible possible et je regardais avec admiration les excentricités de Violaine et de Lydia. Très rapidement, Violaine, Lydia, N et moi sommes devenues inséparables au point de donner aux profs, pour les strombinoscopes, une photo d’identité où nous figurions toutes les quatres. Les conflits étaient aussi violents que les moments de complicité étaient extraordinaires. Je n’avais jamais vécu d’amitié aussi fusionnelle auparavant, je n’en ai plus jamais connu par la suite. Violaine et Lydia m’ont permis d’assumer mon goût pour le rouge et les looks excentriques parce qu’avec elles, je n’avais plus peur des regards des autres, tout m’était complètement indifférent, nous étions unies.
Quand Violaine m’a connu, je pleurais 24 heures sur 24, sans exagération, en cours, en dehors des cours, tout le temps. Je me souviens de la première fois où elle m’a offert un repas dans le snack en face de la fac. Au lieu de me demander, comme tous les autres : “pourquoi tu pleures ?”, elle avait été beaucoup plus subtile. Evoquant l’inquiétude que je provoquais et les moments agréables qui existaient malgré tout, elle avait réussi à me consoler, en dépit de ses réguliers : “je suis dépressive, je sais pas consoler les gens”. Elle me prêtait des CD, ceux qui ont vraiment bouleversé ma vie, Belle and Sebastian, Cat Power, les Tindersticks, PJ Harvey et Pulp par exemple, elle m’a fait voir le documentaire Nico Icon, elle m’a donné envie de me remettre à la lecture. Alors que j’étais dans une période alimentaire où je n’avalais plus que du chocolat, j’ai été entraînée dans des soirées au resto et des après-midi dans les salons de thé. Cette amitié m’a tout doucement sorti de la dépression sans même que je m’en rende compte. J’étais soudain fière de ce que j’aimais, j’avais davantage confiance en moi. Je me souviens du jour où, quand je lui ai dit : “en primaire et au collège, quand on me demandait le métier que je voulais exercer, je répondais “écrivain”, mais je ne le dis plus, je sais que je n’ai pas assez de talent”, elle m’a répondu : “moi je le dis toujours. Je serai écrivain.” Sa détermination à réussir, quel que soit le domaine, était incroyablement contagieuse. J’étais du genre “un pas en avant non j’ai peur alors deux pas en arrière”, Violaine était (est toujours) une fonceuse, malgré ses doutes et ses angoisses évidentes. Elle est la reine de l’humour (vraiment très) noir et son sens de la répartie est cinglant. Elle peut blesser cruellement en une seule phrase l’interlocuteur qui aura eu l’audace de lui faire du mal, mais elle arrive aussi, en quelques mots à peine, à faire passer une affection et une tendresse incroyables.
Je l’ai vu évoluer ses dernières années, la douceur a dominé l’agressivité derrière laquelle elle se dissimulait. Elle paraît plus sage mais son grain de folie ne l’a pas quitté pour autant. Plus calme et plus sure d’elle, tout en restant immature et faussement naïve, je suis heureuse de sentir qu’elle va bien maintenant, tellement mieux que lorsque je l’ai connu. Elle l’a mérité car elle en a connu énormément, des moments de désespoirs, pleurant en écoutant “wild is the wind”. Elle fait partie des quelques rares personnes qui m’ont “construite”, autant humainement que culturellement. Voilà, c’est ma réponse à sa note qui m’est dédicacée, je ne t’ai jamais dit à quel point tu m’avais fait progressé, c’est fait désormais. Malgré la distance, notre amitié est restée intacte alors que le reste du groupe s’est plus ou moins disloqué…

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