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parano et schizophrène

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La première fois que j’ai ressenti cette angoisse, c’était le jour où un ami m’avait avoué avoir lu mon blog, en tombant dessus par hasard. Il avait tapé vnv nation et google l’avait amené ici, à cause d’un commentaire d’une ligne sur ce groupe. Ensuite je me suis dit que ce n’était pas très important, parce qu’il me connaissait déjà assez et que ce que j’écrivais n’avait pas dû le surprendre beaucoup. Deux autres personnes de mon entourage sont arrivées sur mon blog, par hasard aussi. Je relativisais : tant qu’il s’agit d’amis, ce n’est pas vraiment importants, ils lisent des choses que je ne leur ai jamais confié, mais j’aurais sans doute pu si l’occasion idéale s’était présenté (dans un climat de confiance). Puis, c’est une caissière du Monoprix qui, le jour de mon départ, m’a dit : “tu n’écrirais pas un journal sur Internet ?”. L’idée que le personnel du Monoprix ait pu suivre, en direct, mes impressions négatives sur le magasin, la façon dont je piquais quelquefois de l’argent pour un café (même si j’ai toujours remboursé et que je sais que tout le monde le fait), ou mon opinion sur la direction, cette idée m’a plutôt déplue. Cette caissière m’était assez sympathique, mais jamais je ne lui ai parlé à part dans le cadre des relations professionnelles. A elle, je ne serais certainement pas allée raconter mes états d’âme. Maintenant je découvre que je peux rencontrer une personne par hasard un soir à Lyon et apprendre le lendemain qu’elle me lit souvent. Réaliser que des individus que je ne connais pas encore puissent avoir autant d’éléments sur ma vie ou sur ma personnalité, c’est un sentiment très désagréable.

Ici, j’amplifie mes sentiments, je romance parfois, parce que c’est avant tout pour le plaisir que j’écris un blog. C’est un endroit qui me sert d’exutoire, j’écris ce qui m’oppresse (les post dépressifs ou larmoyants), ce qui m’étonne (les clients du monoprix, certaines personnes croisées dans la rue), ce qui m’angoisse (mon avenir, mes parents…), bref, ces sensations qui passent sans que je ne puisse les dire à haute voix. Choisir de rencontrer des bloggeurs, qui me laissent des commentaires ou des mails depuis longtemps et que je lis souvent, pourquoi pas. Les quelques fois où l’occasion s’est présentée, j’en garde un bon souvenir. Cependant, découvrir une personne inconnue en étant déjà présente à son esprit sous la forme des mots écrits ici, ça m’est très désagréable. Je ne suis pas certaine que l’image que renvoie ce blog coïncide exactement avec celle que je peux renvoyer dans la réalité. Dans un cas, je ne la contrôle pas, dans l’autre si. Si je peux être aussi impudique sur cet espace virtuel, c’est uniquement parce que je me sens anonyme. Si je commence à penser à chaque rencontre que la personne en face de moi connaît la Junko du blog, je suis plus que gênée. C’est comme de fouiller dans mes affaires ou d’ouvrir mon courrier, il y a des choses qui ne doivent pas être sues avant que je ne l’ai décidé, mon exhibitionnisme a des limites. J’ai certainement été naïve en m’imaginant que la probabilité pour rencontrer par hasard un internaute lecteur de ce blog était vraiment infime. Je me rends compte maintenant que cette situation se répète. Le plus désagréable étant de l’apprendre après coup, au hasard d’un commentaire, ça me laisse une vague impression de trahison.

A un moment donné, j’ai tenté de supprimer les commentaires pour une raison assez proche. Avoir autant de réponses me faisait prendre conscience du fait que j’étais plus lue que je ne l’imaginais, et par ricochet, je me sentais un peu trop visible, ce qui bloquait mon écriture. J’ai finalement décidé de les garder (même si c’était en privé) parce que certains commentaires m’apportent énormément, me font évoluer. Lors d’une note récente, plusieurs personnes m’ont fait des remarques très constructives (et parfois opposées donc d’autant plus enrichissantes) sur l’origine de la confiance en soi ou le rôle que peuvent jouer les parents (ils se reconnaîtront). C’est essentiellement pour ce genre de commentaires que j’ai laissé la possibilité de répondre sur mon blog (même si les compliments sur mes notes ou sur mon style sont toujours agréables et rassurantes).

Petit à petit et à cause des blogs, Junko est devenue particulièrement envahissante. Plusieurs proches se sont mis à m’appeler ainsi (sur ma demande), je signais mes chèques et mes lettres “Junko” et la nuit dans mes rêves, je suis systématiquement Junko. J’ai réalisé qu’il y avait un problème lorsque, récemment, j’ai fait un cauchemar dans lequel plus personne ne me connaissait. Tout le monde me répondait “je ne sais pas qui tu es, je n’ai jamais connu de Junko”. Alors j’appelais mes parents pour leur demander si eux au moins, ils se souvenaient de moi. Ils répondaient : “bien sûr, mais tu ne t’appelles pas Junko, ton nom c’est Cécile”. Finalement, ce rêve prend encore plus de signification dans la situation actuelle.
Je ne veux pas que la Junko du blog soit connue avant la Cécile de la réalité. Il est probable que Junko, telle qu’elle est décrite ici, soit beaucoup plus proche de ce que je suis que la Cécile que tout un chacun peut croiser dans la rue. Mais c’est aussi une sorte de caricature de moi, puisqu’elle n’existe ici que par ce qu’elle éprouve secrètement, sentiments qui sont très largement amplifiés dans mon écriture. C’est un pseudonyme, un personnage caché à l’intérieur, elle ne peut se montrer que si je l’ai décidé, car je n’assume pas tout ce qu’elle est.

Evidemment, je n’ai pas envie de supprimer mon blog, il constitue une dépendance bien implantée dans mon organisme. Il reste deux solutions : écrire différemment (peut-être faire des chroniques de disques ou de films plutôt que de parler de moi), contrôler davantage le contenu de ce blog et le rendre plus impersonnel ; protéger celui-ci par un mot de passe… Je n’ai pas encore décidé. Quoi qu’il en soit, quelque chose aura évolué d’ici la prochaine note.

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