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ça n’a pas ou peu d’importance ce n’est qu’une zone de turbulences

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J’avais écrit de longs brouillons racontant mes journées, mais en fait, non, je n’ai pas envie de les poster, parce que dans ces longues phrases il n’y a rien finalement. Ce n’est qu’un enrobage, la coquille que je n’arrive pas à percer.

J’ai choisi d’être seule pendant ces deux jours pour la première fois depuis des mois. Je n’en avais pas envie, c’était un besoin. Tout se mélangeait trop vite dans ma tête, comme si j’avais un mixer dans le crâne qui fouette allégrement les sentiments, les dialogues, les situations, les évènements… Ce n’est pas une métaphore très élégante, peu importe. Le résultat est un mélange grumeleux sans couleur nette, sans saveur précise, juste des arrière-goûts parfois.
Je suis comme décalée par rapport aux situations et aux événements, tout se déroule en dehors de moi. Ça se voit notamment à travers des choses anecdotiques : des cartons datant de mon emménagement en janvier n’ont toujours pas été ouverts, je continue à m’asseoir par terre sans investir dans un canapé – mon appartement reste impersonnel comme si je ne l’habitais pas vraiment, ma chaîne hi fi désormais réparée attend que j’aille la chercher depuis plus de deux mois, les lettres ne terminent pas, les mails n’obtiennent pas de réponse… Mais je ne suis pas restée seule pour rattraper ce retard là parce qu’il n’est qu’une conséquence, or la cause est plus importante.

Pendant plusieurs mois, c’était un peu comme si je flottais sur la mer en faisant la planche, sans avoir aucune idée de la violence des vagues, ni du sens du courant, ni même de la proximité des rochers, en savourant seulement la caresse de l’eau et la chaleur du soleil sur mes paupières fermées. C’était très agréable, mais j’ai dû ouvrir les yeux. Je ne sais pas si je suis à quelques mètres ou à des kilomètres du rivage, puisqu’il ne cesse de changer de place. A moins que ce ne soit moi, qui tourne sur moi-même au lieu de choisir une direction…
Je m’abrite toujours derrière des images quand les mots m’échappent, des clichés.
« C’est bien joli ma grande mais il faut agir maintenant », dit la voix maternelle. « Il faut faire les choses et puis c’est tout », dit-il. Mais il faut une volonté pour agir, et je ne sais pas vraiment ce que je souhaite. Est-ce que je veux continuer à faire ce travail qui, malgré ces avantages (les chocolats, les fleurs, les souvenirs et la bonté de mon petit vieux préféré ; les manuscrits de la bibliothèque ; les roses qui se pressent sous la fenêtre, le parc…) ne m’offre ni évolution, ni même avenir peut-être, et m’oblige à travailler dans des conflits internes pesants ? Où est-ce que je veux faire autre chose ? Trouver un autre travail de bibliothécaire… Ou bien changer de voie parce que ça me démange toujours ça.
Je n’arrive pas à être stable, quelque soit le domaine.

De toute façon, je n’ai jamais aucune volonté, c’est pourquoi je les déçois toujours, ceux qui m’attendent sur le rivage. Ils ordonnent, ils conseillent, ils font de grands signes, et plus ils insistent plus j’ai envie de fermer mes yeux et mes oreilles. De fuir.

J’habite tout près du ciel. Je l’ai longuement observé ce week-end. J’ai vu le nuage blanc avec la lune au milieu sur ce fond quasiment noir, samedi à 3 heures du matin ; l’arc en ciel au dessus de Fourvière hier vers 18 heures ; le rose puis l’orangé lorsque le soleil s’est couché sur la croix rousse. Mais même y assistant, je n’ai pas pu discerner les degrés de luminosité, à tel moment c’était rose clair, à tel autre orange, entre chien et loup, et puis c’est tout. Le processus reste imperceptible.
La voix de Marcel Kanche (découvert ) me parle d’amours malheureuses , pendant que la lumière s’éteint. « Rongé par l’absence, J’ai lancé des confettis, Des laps de tendresse, Jeté des dates dans les lacunes » « Des tissus de mensonge terniront la peau, Nos habits de poussière sur le dos, Qu’aucun ne retiennent mes pleures, Qu’aucun ne voit ma peur » … La semaine dernière, sous la pluie, je pleurais à côté de lui, discrètement, sans sanglot ni hoquet. Je n’arrêtais pas de lire et de relire ces chiffres sombres « prochain bus dans 9 minutes », mais je m’en foutais complètement du bus en réalité, je ne voulais pas le regarder, c’est tout. Plus tard il a murmuré « je t’aime », ses mains autour des miennes. Quatre mots au moins se pressaient au bord de mes lèvres, mais j’ai juste dit « merci ». J’aurais pu répondre « je t’aime » puisque je le pensais, mais je l’ai déjà tellement répété… Et puis, ça n’a aucune importance d’une certaine manière tellement je suis fatiguée.
Il faudrait que je sorte de cet immobilisme apathique, parce que ça en vaut la peine. Si j’étais plus hargneuse, j’arriverais peut-être à progresser professionnellement. Si j’avais davantage confiance en moi, je supporterais mieux ses reproches et ses sarcasmes. Etc.
Mais j’aimerais tellement que tout se fasse tout seul sans mon intervention, une fois pour toutes, comme si j’assistais à un coucher de soleil (qui ne se reproduirait plus jamais.)

Arriver à la dernière page d’un livre, se sentir déçue d’être aussi proche de la fin, mais contente de l’avoir terminé, pour mieux passer immédiatement au tome suivant.

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